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A. BINET.mouvements des jeunes enfants

exécutant devant lui un petit travail bizarre, comme d’ouvrir et de fermer une boîte, etc. ; il se produira dans son esprit un nouveau groupe de représentations et d’images, qui chassera pour un temps la première préoccupation, et la fera complètement oublier. Chez un adulte, on n’obtient pas aussi facilement ce changement d’état, d’abord parce qu’il est moins facile de modifier le centre de son attention, et ensuite parce que les idées nouvelles qu’on lui suggère n’excluent pas aussi complètement l’idée ancienne ; elles peuvent se grouper dans une synthèse unique. Ainsi, voici une observation que j’ai faite sur une petite fille de trois ans et neuf mois, et dont on retrouverait difficilement l’analogue chez une personne adulte ; la petite fille pleurait abondamment parce qu’on l’avait grondée devant des étrangers, circonstance à laquelle elle était très sensible ; désirant mettre un terme à ce gros chagrin, j’usai du procédé de la distraction ; j’assis la petite fille sur mes genoux et je fis flamber devant elle une allumette. Ses cris cessèrent brusquement : elle sourit ; elle regarda avec une grande curiosité la flamme et me demanda la permission de tenir le bout de l’allumette. Lorsque celle-ci fat consumée, et que ce sujet de distraction disparut, l’enfant se remit aussitôt à sangloter et cela dura une minute ou deux. Je frottai alors une seconde allumette qui produisit le résultat de la première ; même suppression des larmes, même figure souriante ; mais après l’extinction de la flamme, les sanglots recommencèrent comme la première fois. Nous voyons ici se succéder deux préoccupations ou, pour parler avec plus de précision, deux synthèses mentales distinctes qui se chassent mutuellement et qui ne se confondent jamais. Il serait peut-être difficile de trouver chez des personnes adultes, en dehors de l’hystérie, bien entendu, et de quelques états analogues, des phénomènes de désagrégation mentale aussi accusés.

IV. Temps de réaction. — J’ignore si l’on a étudié les temps de réaction aux excitations des sens chez les jeunes enfants de quatre à sept ans ; je n’ai trouvé aucune mention à cet égard chez les auteurs que j’ai consultés. Les expériences de temps de réaction sont du reste assez difficiles chez les petits enfants ; et il ne me paraît pas possible, à moins de circonstances spéciales, qu’on les tente sur des enfants âgés de moins de trois ans ; car ce ne sont pas là de simples observations, ce sont des expériences qui ont besoin du concours de l’enfant, de sa bonne volonté d’abord, qui ne dure jamais longtemps quand il s’agit de recherches aussi monotones ; puis, il faut que l’enfant comprenne ce qu’on lui demande ; il faut qu’il sache bien qu’il doit faire un certain mouvement à un signal