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dedans. L’enfant paraissait mieux faire mouvoir ses jambes quand il essayait de gravir un plan incliné que lorsqu’on le faisait marcher sur un plan horizontal.

Ce fait, étant donné l’âge de l’enfant, me parut si remarquable que je recommençai l’expérience à plusieurs reprises, et toujours avec le même résultat. Je remarquai en outre que, lorsqu’on tenait l’enfant trop haut au-dessus du sol, et que ses pieds étaient en l’air, les deux jambes restaient étendues sans exécuter aucun mouvement de locomotion, ou bien encore, les mouvements exécutés ne présentaient pas d’alternance et n’avaient pas le caractère de la marche ; l’excitation de la plante du pied était nécessaire pour produire l’alternance des mouvements. Cette observation si curieuse n’est pas exceptionnelle ; car j’ai pu constater moi-même ou faire constater par d’autres personnes l’exécution de ces mêmes mouvements locomoteurs chez des enfants encore plus jeunes, âgés d’une semaine et d’une semaine et demie. Chez ces derniers aussi, l’influence de la sensation de contact à la plante du pied s’est nettement manifestée. Enfin, chez un autre enfant ayant environ le même âge que les précédents, il a été impossible de retrouver ces rudiments des mouvements de la marche.

Les observations précédentes, dont là vérification me paraît assez facile, nous démontrent que la marche peut être un acte franchement instinctif chez l’enfant ; et ce caractère instinctif est d’autant plus important à relever que l’époque où l’enfant commence à marcher seul est assez tardive ; on voit que la lenteur du développement d’un certain mouvement, d’une certaine fonction n’est pas, comme on le pense quelquefois, une preuve que cette fonction est un résultat acquis personnellement par l’individu ; c’est là une illusion dont il faut se garder.

La psychologie comparée nous montre, du reste, de quelle importance est le temps, dans le développement des fonctions purement héréditaires. Le petit poulet qui vient de sortir de l’œuf en becquant la coquille marche tout seul et peut picoter le grain qu’on lui présente ; au contraire, le petit pigeon est incapable de marcher et de m se nourrir seul ; cela ne prouve nullement que la marche a un caractère instinctif chez le poulet, tandis qu’elle est une acquisition de l’expérience chez le pigeon ; la différence entre ces deux oiseaux tient simplement à la durée de la période d’incubation, qui est de vingt et un jours chez le poulet et de quinze jours chez le pigeon.

II. Bilatéralité des mouvements. — Si on suit attentivement les mouvements qu’exécute spontanément avec les bras un enfant