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A. FOUILLÉE.l’évolutionnisme des idées-forces

est donc probable que nous en retirons un avantage immédiat de force générale. La conscience, en effet, implique un ébranlement harmonieux de tout l’organisme, une innervation régulière et coordonnée, un consensus de forces qui arrivent à se sentir dans leur union et à produire ainsi un surcroît de force générale. En même temps la conscience, constituant une organisation meilleure et une concentration des phénomènes psychiques, constitue aussi un centre d’action plus intense. « Il en est, dit Guyau, de l’esprit comme de la matière sidérale, qui attire en raison de sa condensation en noyau. » La conscience est de l’action concentrée, devenue pour elle-même lumineuse, plus puissante sur soi et aussi plus puissante sur les autres forces en relation avec elle.

Nous allons voir cette puissance se manifester par des modifications d’intensité, de durée et de direction dues à la conscience.

3o La conscience est un modificateur de l’intensité des sentiments. Quand l’amour, après s’être ignoré, devient conscient, ce n’est pas une lumière passive qui s’y ajoute. M. Ribot le reconnaît lui-même avec les romanciers et les poètes, l’amour « redouble d’intensité par la conscience de soi, ou, au contraire, il est enrayé par des motifs antagonistes » devenus eux-mêmes conscients.

La conscience est aussi un modificateur de l’intensité des impulsions. Grâce à elle, l’impulsion prend la forme précise de l’idée, et l’idée est une formule qui se sait ; or, tout acte formulé nettement acquiert par cela même, comme Guyau l’a fait voir, une force nouvelle d’attraction et de séduction. « Une tentation vague et mal déterminée pour la conscience reste facile à vaincre ; dès qu’elle se détermine, se formule et prend les contours d’un acte conscient, elle peut devenir irrésistible. » Ce phénomène tient encore, selon nous, à ce que la formule d’un acte le rend non seulement possible, mais déjà actuel à son premier degré. Si toute cause contraire est absente ou si les causes contraires sont de moindre force, l’acte se réalise. La conscience est donc un facteur de l’effet total et elle a sa part d’efficacité. En éclairant, elle coopère au résultat. Frapper à tâtons ou frapper dans la lumière, ce n’est pas disposer de la même force : ce qui est clair peut remporter par ce fait même sur ce qui est obscur ; la lumière est une des conditions de la victoire. L’acte conscient n’est pas simplement la force inconsciente plus l’épiphénomène inactif qui consiste à voir ce qui se passe ; l’acte conscient est l’ensemble des forces inconscientes, plus une certaine force additionnelle corrélative de la conscience même.