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A. FOUILLÉE.l’évolutionnisme des idées-forces

portions incommensurables est aussi peu satisfaisante pour la pensée philosophique que « l’obligation de calculer avec des termes hétérogènes ». De plus, comme l’absolue dépendance du mental par rapport au physique ne peut s’exprimer en termes de cause et d’effet, elle demeure inexprimable autrement que par les métaphores déjà indiquées, lesquelles sont des mots et non des explications : reflet, réverbération, accompagnement, expression additionnelle, accessoire, etc.

Le lien des faits physiques entre eux sera-t-il au moins assuré par l’élimination de tout élément psychique ? — Non ; ce lien demeure en réalité indéterminé ou tout extérieur. On ne peut plus dire qu’une chose : c’est que les faits se sont suivis jusqu’à présent dans tel ou tel ordre, et que nous, machinalement, par habitude, nous attendons pour l’avenir les mêmes phénomènes dans les mêmes circonstances. Mais alors, pourquoi réserver tout l’honneur de l’activité efficiente aux phénomènes physiques et le retirer aux phénomènes psychiques ? Ces derniers ne sont ni plus ni moins inertes que les autres, mais ils sont liés comme les autres, liés aux autres, et les autres leur sont liés à leur tour, d’un lien d’ailleurs contingent, d’un lien de fait et d’habitude, qui n’a aucune nécessité logique.

III. Origine des faits mentaux dans l’hypothèse du double aspect. — Considérons maintenant le mental en lui-même, et non plus seulement dans son rapport avec le physique ; nous verrons que, dans l’hypothèse du double aspect, l’origine du mental comme son mode d’existence est absolument incompréhensible. Le mental n’est pas un être, ni un effet de la matière, ni une partie de la matière, qu’est-ce alors et d’où vient-il ? — C’est un aspect surajouté, toujours un aspect. Voilà donc une nouvelle catégorie à joindre aux catégories d’Aristote et de Kant : celle des aspects. Or, de deux choses l’une, ou l’aspect surajouté n’existe pas partout, mais seulement chez les êtres vivants et même chez les animaux ; le mental n’est alors la doublure que d’une partie des phénomènes mécaniques ; ou, au contraire, il est un aspect essentiel et universel, toujours parallèle à l’aspect physique, comme le ce convexe » est toujours doublé du « concave » : il y a partout des aspects nemine aspiciente. Examinons tour à tour ces deux hypothèses. La première explique le cours des événements cosmiques en termes matériels, — atomes, mouvements, forces, répulsions et attractions moléculaires, — jusqu’à un certain point à partir duquel la langue matérialiste fait défaut ; alors survient le mental, le subjectif (sensations, sentiments, etc.), comme