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devons placer le physique sur l’avant et non sur l’arrière ; nous pouvons constater l’apparition de l’aspect subjectif avec le développement de la structure physique, mais nous ne pouvons pas même dire que le côté subjectif réagisse sur l’autre côté et avance son propre développement. Nous assumons simplement que, si par quelque moyen nous pouvions réaliser un certain arrangement de nerfs et d’autres organes, une manifestation subjective s’ensuivrait, comme quelque chose qui se produit le long du chemin ; qu’avec des arrangements plus avancés et plus compliqués, il y aurait une subjectivité plus avancée. » — Ainsi, encore une fois, loin d’avoir une « cause double et conjointe », nous n’avons qu’une seule cause, l’automatisme physique, qui va droit son chemin ; seulement « le long du chemin », un accident imprévu, un accompagnement extraordinaire se produit : l’automate, tout d’un coup, se met à sentir, à penser et à vouloir.

Spencer, dans sa Biologie, soutient une thèse analogue. Selon lui, un homme ne mange pas parce qu’il a faim, ne boit pas parce qu’il a soif. Il ne se marie pas et ne s’entoure pas d’une famille pour son plaisir et son agrément. L’admettre, ce serait introduire des causes subjectives dans la liste générale des facteurs, où ne doivent figurer que des forces physiques ; ce serait contredire la théorie de la conservation de l’énergie. L’homme fait tout ce qu’il fait en vertu des seules relations qui produisent en lui ses divers états physiques, en vertu de la seule structure de son mécanisme nerveux. La crainte de la peine comme telle, l’espoir du plaisir comme tel, doivent être exclus des causes des actions humaines. Quelle que soit l’intensité des plaisirs et peines dont nous avons l’expérience, quels que soient les désirs, les tristesses, les joies renfermées dans les innombrables variétés du subjectif, tout cela ne produit aucune interférence avec le cours exactement mécanique des choses dans les automates appelés animaux ou plantes. Le subjectif, comme cause efficace, n’a point de place dans la chaîne des événements cosmiques, dans la série de la « causation », Il n’est toujours qu’un aspect qui vient s’ajouter à la causation mécanique.

Cette hypothèse de Spencer et de Bain a pour but de maintenir l’unité et l’homogénéité dans les explications scientifiques, sans intrusion ni irruption possible du mental. Mais autre chose est la science, autre chose la philosophie. On n’obtient l’homogénéité du côté physique qu’en laissant l’autre aspect absolument hétérogène avec le premier et, qui plus est, avec lui-même, puisqu’il n’y a plus de loi vraiment propre pour communiquer une unité intrinsèque aux termes de la série mentale. Cette division de la réalité en deux