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accepter le joug de la forme philosophique supérieure ; enfin l’activité industrielle au sens le plus large du mot, l’activité pratique sous toutes ses faces, qui subit les mêmes métamorphoses, qui change également trois fois de maître et de direction générale.

Mais cette doctrine nous paraît être une grave erreur, basée sur une interversion complète des vrais rapports unissant entre eux, sinon tous les termes de la série intellectuelle, du moins ses deux premiers échelons qui sont aussi, sans nul doute et sans comparaison possible, ses éléments de beaucoup les plus influents. Pour nous, l’ordre dans lequel apparaissent et se développent les parties constituantes de la série intellectuelle, est fixe, immuable ; c’est une hiérarchie fortement organisée qui, partant du premier membre, de la connaissance ou de l’activité scientifique, s’étend successivement à la connaissance ou à l’activité philosophique, à la connaissance ou à l’activité esthétique, et à la connaissance ou à l’activité technique, subordonnant chacun des termes de la série d’abord au terme immédiatement antérieur et ensuite à tous les autres, dans l’ordre naturel de leur succession. Il y a là une dépendance qui croît non pas en force, mais en étendue, qui occupe une superficie ou un champ toujours plus vaste à mesure qu’on s’éloigne du premier échelon hiérarchique et qu’on se rapproche du dernier terme sériai. La connaissance ou l’activité philosophique est étroitement et intimement liée à la connaissance ou à l’activité scientifique, dont elle est presque une forme supérieure ou une floraison particulière. Mais elle dépend si peu de l’état des connaissances esthétiques et de celui des connaissances techniques, que c’est elle, au contraire, qui, concurremment avec la science, fournit à l’art et à l’activité économique tout leur contenu et leur donne l’impulsion sans laquelle ni l’évolution esthétique, ni l’évolution industrielle n’auraient pu se produire. Quant à la faible action que les arts ou l’industrie humaine exercent à leur tour sur les conceptions générales, telles que les croyances religieuses ou les systèmes philosophiques, et sur les idées scientifiques, il est évident que ce n’est là qu’une influence réfléchie, qu’un phénomène ordinaire de réaction sociale.

Le troisième degré hiérarchique, l’ensemble des faits qui constituent l’évolution esthétique, confirme la même loi. On ne saurait dire si l’évolution esthétique dépend plus de l’évolution philosophique qui la relie directement à l’évolution scientifique, ou de cette dernière, tellement nos croyances générales ou philosophiques et nos connaissances spéciales sur la nature et l’homme sont ce qui détermine directement le caractère esthétique d’une époque ; mais on peut hautement affirmer que le développement esthétique ne dépend