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des conceptions qui ont pour but l’unité ou la synthèse universelle des phénomènes ; l’évolution des conceptions qui tendent à la reproduction artificielle des émotions que suscitent en nous naturellement les objets des deux précédentes évolutions et ces évolutions elles-mêmes ; enfin l’évolution des conceptions qui ont pour but la satisfaction des besoins que font naître en nous les trois évolutions précédentes et leurs objets. Nous voici donc en présence d’une hiérarchie régulière composée de quatre grandes classes de conceptions qui, considérées comme telles et indépendamment des modifications sociales qu’elles entraînent à leur suite, peuvent encore, de toute évidence, être appelées quatre genres de connaissances (d’idées dont nous sommes conscients) : la connaissance scientifique, la connaissance philosophique, la connaissance esthétique, et la connaissance pratique ou technique. Ce sont ces quatre genres de connaissances et leurs évolutions particulières qui, en dernière analyse, déterminent et dirigent l’ensemble complexe de faits qu’on appelle l’évolution d’une société. Envisagées sous ce dernier aspect, ou dans ce rôle actif, ces connaissances forment les quatre groupes défaits bien connus qu’on nomme la science, la philosophie, l’art et l’industrie. La science ou connaissance proprement dite est toujours un savoir abstrait et différentiel ; la philosophie ou conception du monde est toujours un savoir abstrait et intégral ; l’art, un savoir représentatif des deux premiers et producteur d’émotions représentatives correspondantes ; l’industrie, un savoir dérivé et appliqué à la satisfaction de tous les besoins qui, dans l’individu social et dans la société, naissent à la suite du développement ou de l’extension des trois premiers genres de connaissances.

L’évolution sociale est déterminée et dirigée par l’évolution intellectuelle. Comte avait parfaitement compris et clairement exprimé cette vérité générale. Mais toutes deux, l’évolution sociale et l’évolution intellectuelle, ne sont évidemment que des sommes, des totaux ou des résultantes n’existant et ne se manifestant, en réalité, que par ou dans les éléments qui les composent et qui ne peuvent être, à leur tour, que des évolutions plus particulières. Or, nous avons vu que l’évolution intellectuelle se décomposait primordialement en une série de quatre éléments ou de quatre évolutions intellectuelles spéciales. On pourrait donc essayer de décomposer de la même manière le produit total de l’action combinée de ces quatre évolutions, l’évolution sociale. On aurait alors deux séries primordiales d’évolutions particulières qui, bien que réagissant incessamment l’une sur l’autre, devraient, quant à l’ordre essentiel de leur succession, être considérées comme une série de causes ou d’ante-