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ROBERTY.l’évolution de la philosophie

de la méthode hypothétique, il peut être très rationnel de procéder précisément de cette façon en philosophie.

Certes, ce ne sera plus là de la déduction ni de l’induction scientifiques. Mais ce sera vraisemblablement encore de la déduction et de l’induction philosophiques.

La déduction scientifique va du général au particulier, et l’induction dans la science débute toujours par une hypothèse. La déduction philosophique ira donc, au contraire, du particulier au général, et l’induction en philosophie exclura l’emploi de l’hypothèse[1].

Mais il serait évidemment prématuré de vouloir indiquer d’une manière plus détaillée en quoi consistera la déduction philosophique inverse de la déduction scientifique, et l’induction des philosophes dénuée de toute hypothèse. On risquerait trop, en explorant ces terres inconnues, de s’égarer dans les ténèbres qui enveloppent encore de toutes parts la théorie de la connaissance.

Une dernière remarque clora cette discussion. Les philosophes qui ont le plus fermement nié toute différence spécifique entre la philosophie et la science sont aussi ceux qui ont dépensé les plus grands efforts pour expliquer comment la science positive a pu naître et se développer d’un germe d’abord exclusivement théologique. Tel fut indubitablement le cas de Comte qui, cherchant la clef de cette génération bien autrement étrange que celle dont se préoccupent les philosophes matérialistes, investit du rôle d’ancêtre direct de la science moderne la philosophie connue sous le nom de métaphysique. Les faits de l’histoire qui sont actuellement encore, comme les chiffres statistiques, les complices obéissants de toutes les hypothèses, lui servirent, d’ailleurs, comme on sait, à pallier ce qu’il y avait de trop arbitraire dans cette théorie.

Pour nous, la science n’a jamais été théologique. Positive elle est née, positive elle a vécu et grandi ; et son développement n’a pas besoin, pour être compris, de l’intercalation d’un terme logique ou explicatif quelconque. Quant à la seconde espèce du genre connaissance, à la philosophie, si elle a été théologique d’une façon grossière d’abord, et puis d’une façon plus subtile, généralement appelée son mode métaphysique, elle ne deviendra pas positive dans le sens de Comte, elle ne se confondra jamais totalement avec la science. Faut-il en conclure qu’elle restera théologique ? Bien au

  1. II y a là évidemment une question de pure terminologie. On peut conserver les termes de déduction et d’induction, en y joignant des adjectifs différentiels, ou bien chercher à faire ressortir la distinction par une terminologie appropriée, — comme on peut dire, par exemple, connaissance universelle et connaissance particulière, ou employer les termes : philosophie et science.