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ROBERTY.l’évolution de la philosophie

grossièrement empirique des religions primitives, qui, selon Comte, a été la véritable école de l’esprit scientifique moderne, la source à laquelle il est venu puiser les méthodes qui ont décuplé sa puissance.

Nous nous refusons à comprendre comment ce miracle a pu être opéré. Il nous paraît puéril de dire que l’esprit ait d’abord considéré les causes des faits et qu’il se soit peu à peu habitué à considérer les faits seuls. L’esprit humain n’a jamais détourné sa vue des faits, — la psychologie de l’enfant et celle de l’homme primitif le prouvent surabondamment, — mais il a toujours, en outre, cherché à connaître leurs causes intimes.

C’est même cette recherche qui s’appelle science, quand elle n’atteint que les causes particulières, et philosophie, quand elle poursuit les causes les plus générales des phénomènes.

Or, la connaissance des causes générales ne peut devancer celle des causes particulières. Toute philosophie précédant la science n’a donc jamais pu être qu’une erreur. Telle a été la théologie, une illusion si grossière, qu’Aristote déjà se croyait en droit de l’accabler de son dédain : « Ce n’est pas la peine, dit-il (Met., III, 4, 17), de s’occuper sérieusement de ceux qui ont fait de la philosophie sous une forme mythique. » — Mais la métaphysique, dont l’unique raison d’être a toujours consisté dans l’attrait exercé sur l’esprit par les problèmes que la science se déclarait impuissante à résoudre, la métaphysique, dis-je, appartient évidemment à la même catégorie de faits intellectuels, beaucoup plus vaste qu’on ne le soupçonne, car elle embrasse également le positivisme, le criticisme, l’évolutionnisme et tous les systèmes modernes qui s’arrogent le droit de I nous imposer telles ou telles croyances sur nombre de questions générales que la psychologie et la sociologie, deux sciences nées d’hier, n’ont ni résolues, ni même abordées.

L’opposition de la théologie à la métaphysique, et de la religion à la philosophie proprement dite, tant ancienne que moderne, est aussi conventionnelle et artificielle que les distinctions qu’on pourrait établir entre les diverses phases parcourues par l’ensemble de nos connaissances scientifiques. La théologie a été cette conception générale des choses qui devait nécessairement résulter d’une science non différenciée, d’un savoir vague et chaotique, astreint, dans sa recherche des causes, à n’employer qu’un seul mode de suppositions — l’analogie vulgaire ou l’anthropomorphisme. La métaphysique est venue ensuite se ranger à côté de la théologie ; elle lui à disputé son pouvoir sur les intelligences ; mais, semblable à ces erreurs de date récente qui s’escriment contre les erreurs plus