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ROBERTY.l’évolution de la philosophie

C’est là, à notre sens, une réduction arbitraire, et que rien ne justifie aujourd’hui, du champ si vaste des causes qui déterminent l’état de la philosophie et les caractères différentiels des systèmes. Nous jugeons néanmoins que les classifications philosophiques, basées sur les hypothèses ayant pour objet la connaissance en général, coïncident, en définitive, avec la classification qui a pour point de départ les hypothèses visant la totalité de nos connaissances. C’est ce qui nous semble clairement ressortir d’un examen attentif des meilleures d’entre ces divisions, telles, par exemple, que la classification proposée par Hamilton ou bien encore, que la tentative récente faite par M. Renouvier.

Bien que purement psychologique, le schème hamiltonien confirme les résultats que nous avons obtenus par une autre méthode. Prenant pour point de départ les hypothèses générales à l’aide desquelles on a longtemps cru pouvoir résoudre le problème si spécial de l’extériorité de la conscience, Hamilton range toutes les philosophies en trois grandes classes : le monisme, le dualisme, et le nihilisme. Mais une analyse plus approfondie lui fait bientôt découvrir sous ces rubriques les trois types constants du matérialisme, de l’idéalisme et du sensualisme. Les monistes de Hamilton, en effet, sont tantôt des philosophes qui reconnaissent le non-moi seul et considèrent le moi comme inclus dans le non-moi, c’est-à-dire comme purement matériel ; tantôt des penseurs qui reconnaissent le moi seul et considèrent le non-moi comme un produit qui s’en dégage, c’est-à-dire comme quelque chose de purement mental ; et tantôt, enfin, des philosophes qui nient l’antithèse et soutiennent que l’esprit et la matière ne sont que des modifications phénoménales de la même substance commune.

Les dualistes présentent, à leur tour, deux variétés. Les uns fondent l’existence de l’esprit et de la matière sur la connaissance immédiate attestée par la conscience, et ramènent tous les phénomènes à la sensation qui devient ainsi leur unité suprême ; ce sont des sensualistes purs. Les autres « rejettent la véracité de la conscience au sujet de notre connaissance immédiate de l’existence de la matière, et ne s’efforcent pas moins de soutenir, à force d’hypothèses et de raisonnements, l’existence d’un monde extérieur inconnu ». Hamilton les appelle dualistes hypothétiques ou idéalistes cosmothétiques ; en réalité, ce sont nos sensualistes-idéalistes qui forment, comme le remarque avec raison le philosophe anglais, une majorité compacte parmi les penseurs des trois derniers siècles. C’est enfin encore sous le drapeau du sensualisme que vient se ranger, comme nous l’avons maintes fois démontré, la grande