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prendre, une idée du platonisme que tout homme qui pense peut retrouver au fond de sa pensée même : c’est cette Idée que nous avons essayé de dégager de ses nuages. »

Dans une Introduction récemment écrite, M. Fouillée se pose cette question de haute importance : — Quels sont les éléments de vitalité que semble encore aujourd’hui renfermer le platonisme, après la critique de Kant et le développement de la philosophie évolutionniste ? — L’unité radicale des choses est conçue par Platon comme un principe : 1o d’intelligibilité ; 2o d’intelligence ; 3o de bien. On peut même dire que le platonisme est en entier dans ces trois thèses qui se développèrent successivement à travers l’histoire de la philosophie : — Tout a son principe dans l’intelligible, tout a son principe dans l’intelligence, tout a son principe dans le bien. C’est la seconde thèse qui a été surtout développée par Aristote, la troisième par le christianisme. M. Fouillée examine successivement les trois propositions génératrices du platonisme ; il en montre le fort et le faible, et cherche sous quelle forme elles peuvent encore se soutenir. La conclusion est que nous ignorons si l’idéal, qui est la réalité corrigée par l’homme, est réalisé déjà quelque part. Mais ce qu’on peut dire, c’est que la conception de l’idéal, de l’Idée, entendue cette fois comme modèle de ce qui devrait être, n’est nullement chimérique, en ce sens qu’elle tend à se réaliser elle-même en se concevant. Les Idées ne sont pas seulement des principes transcendants ; elles sont aussi, par l’intermédiaire de nos pensées et de nos désirs, des forces immanentes, des facteurs de l’évolution, agissant en nous et, par nous, dans le monde. L’idéal, entendu de cette manière, est le fondement de l’art, de la morale, de la politique même.

Aussi, en construisant sa théorie des idées-forces, M. Fouillée pense être resté fidèle à l’esprit platonicien, quoiqu’il ait ramené l’idéal des hauteurs du monde intelligible dans le monde même du devenir et de l’évolution. L’idée a, pour lui, une causalité, elle est une condition de changement en même temps que de durée, elle a une efficacité sur la marche même des choses : « elle se réalise en se pensant ». Ce point admis, M. Fouillée permet aux platonisants d’en tirer des inductions relativement au fond même des choses, mais ces inductions demeureront des hypothèses, et c’est seulement si on les ramène ainsi à une forme problématique que les plus hautes propositions du platonisme pourront encore se défendre. « Un système qui parviendrait à la concordance totale, à la complète unification, serait pour nous la vérité même. Le besoin subjectif d’unité est ce qu’il y a en nous de plus profond, et comme c’est à l’unité que nous mesurons la vérité objective, il en résulte que ce besoin subjectif est le besoin même d’objectivité. La dialectique demeure donc, en somme, la vraie méthode métaphysique : le tout est de savoir quelle est la conception de l’ensemble des choses qui est vraiment capable d’unifier toutes nos pensées, de les mettre d’accord entre elles et avec tous les faits. Si