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les modifications de la mémoire qui en résultent, sur le dédoublement de la conscience, sur les actes post-hypnotiques, sur l’anesthésie systématique, sur l’écriture automatique, sur la distinction entre la suggestion et les autres phénomènes psychologiques, sur le rôle des diverses images dans l’exécution des mouvements, etc. Il est à remarquer que nos critiques se sont uniquement adressées aux théories et aux interprétations de l’auteur, et que nous n’avons jamais mis en doute les faits qu’il a observés. Or, c’est là, en somme, le grand point, surtout dans les études d’hypnotisme où les observations sont si souvent falsifiées par des suggestions ; peu importent les théories, pourvu que les observations soient exactes et demeurent. Je n’ai jamais désiré autre chose pour l’avenir de mes travaux.

Avant de fermer ce livre, je ne puis m’empêcher de former un désir. Je voudrais que la substance de ces pages qui contiennent tant de dissertations brillantes, de réflexions justes, de faits ingénieusement provoqués et tant d’autres choses encore, fut condensée dans quelques observations courtes, précises, que chacun pût vérifier à loisir. Ce serait la meilleure conclusion de l’ouvrage, et M. Janet pourrait facilement l’écrire pour les prochaines éditions.

Alfred Binet.

L. Dauriac. Croyance et réalité (in-8o. Paris, F. Alcan, 1889).

Le titre donné par M. Dauriac à son livre semble indiquer qu’il traite un double sujet, et que ce petit volume veuille contenir à la fois une théorie de la connaissance et une théorie de l’être. Cette dualité n’est qu’apparente. La thèse unique que l’auteur s’est proposé de défendre, l’idée capitale à laquelle il a voué son œuvre, est que croyance et réalité ne sont pas, comme on le dit souvent, deux choses distinctes et,. en un sens, indépendantes l’une de l’autre. La croyance seule peut atteindre le réel ; et il n’y a point pour nous de réalité, non seulement en dehors de nos idées, mais de l’acte par lequel nous donnons à ces idées notre assentiment. On reconnaît la thèse essentielle du néo-criticisme au service de laquelle M. Renouvier, qui l’a établie, a mis depuis longtemps toutes les ressources de sa puissante et infatigable dialectique.

La théorie de la croyance proprement dite a été exposée et discutée bien des fois. M. Dauriac trouve cependant moyen de la rajeunir, et de la présenter sous des aspects jusqu’ici inaperçus. Il est une objection qu’on a souvent adressée à ceux qui font intervenir si peu que ce soit la volonté dans la formation de nos croyances : comment appliquer cette théorie aux axiomes ? Ne suffit-il pas de nommer une de ces vérités que tout le monde connaît, et qui s’imposent, pour mettre en déroute la théorie de la croyance volontaire ? C’est à cette difficulté,