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A. BINET.concurrence des états psychologiques

phénomènes psychologiques volontaires, qui n’ont pas une fin commune, un de ces phénomènes se trouve souvent entravé dans son développement. Cette action perturbatrice ne s’observe pas, ou du moins est beaucoup moindre quand un des phénomènes est volontaire, tandis que l’autre est automatique. C’est ainsi que les mouvements automatiques peuvent persister chez un sujet qui fait un calcul mental, tandis que des mouvements volontaires de pression ne se font plus qu’avec désordre.

2o Les troubles présentés par les phénomènes psychologiques volontaires sont : a. l’inconscience ; nous avons montré que souvent le sujet qui fait des pressions en lisant ou en exécutant une série de calculs mentaux ne peut pas dire au juste combien de pressions il a exercées, et si ces pressions ont été régulières ; la perception consciente se trouve donc notablement diminuée, et cependant le mouvement volontaire de pression continue à se faire ; ce fait nous paraît assez important ; nous assistons ici, à ce qu’il nous semble, à une transformation dans la nature psychologique du mouvement volontaire ; d’abord volontaire et conscient, il cesse d’être conscient, mais il reste volontaire ; b. l’irrégularité ; les quelques tracés que nous avons mis sous les yeux des lecteurs montrent les irrégularités sans nombre que peuvent présenter les mouvements volontaires ; ainsi le sujet, qui est invité à faire deux pressions en fait trois ou quatre, pendant qu’il exécute une autre opération intellectuelle ; c. la suppression. Il arrive souvent que le sujet oublie complètement le mouvement qu’on lui a demandé d’exécuter ; et cet oubli peut continuer même alors que le sujet a fini l’opération intellectuelle complémentaire. Ces désordres sont d’autant plus accusés qu’on fait coïncider deux opérations intellectuelles plus complexes.

3o Il existe de grandes différences entre les diverses personnes au point de vue des opérations intellectuelles que ces personnes peuvent exécuter simultanément. Si par exemple on recherche quel est le nombre de pressions en série qu’une personne peut faire avec les doigts en lisant à haute voix, on constate que certaines personnes ne peuvent même pas serrer régulièrement une fois par seconde, tandis que d’autres peuvent serrer trois fois, quatre fois, et même cinq fois ; dans ce dernier cas, les mouvements de pression sont inconscients.

4o Lorsque plusieurs états de conscience, sensations, images, émotions, mouvements, coexistent, il peut arriver qu’un de ces états tende à imposer aux autres sa forme particulière, son rythme. Nous avons déjà tant insisté sur ce fait intéressant qu’il est inutile d’y revenir.

Alfred Binet.