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de son moi ; ils pouvaient par moment devenir inconscients parce que le sujet était obligé de diviser entre eux le capital de son attention, mais ils restaient toujours volontaires. Le mouvement de la main provoqué par la répétition est d’une tout autre nature ; il n’est pas volontaire ; on ne peut même pas dire qu’il est involontaire, car cela laisserait supposer qu’il est subi par le sujet et par conséquent consenti par lui ; la vérité est que ce mouvement se passe en dehors de l’aire de sa personnalité.

À ces différences psychologiques correspondent des différences tangibles qui en sont la conséquence. Nous avons vu qu’un mouvement volontaire comme celui de presser se fait avec une certaine irrégularité quand le sujet exécute en même temps une opération intellectuelle d’une nature toute différente. La coexistence de ces deux phénomènes psychologiques nuit par conséquent à leur perfection. Il n’en est pas de même pour les mouvements automatiques ; d’abord, la première idée de l’expérimentateur qui cherche à les provoquer est de distraire l’attention du sujet, de la fixer ailleurs ; on réunit autant que possible des conditions où le sujet ne pense pas à ce qui se passe dans la main ; on le fait lire, on lui fait exécuter de tête des calculs difficiles ; on provoque donc un certain nombre de phénomènes psychologiques qui nuiraient à l’exécution d’un mouvement volontaire, et qui favorisent, au contraire, l’exécution du mouvement automatique.

La raison de cette différence me paraît facile à donner. Les mouvements volontaires sont ceux dont la conscience peut suivre le mieux les antécédents ; ils sont précédés de représentations mentales précises, telles que la représentation du but à atteindre, la représentation du motif auquel on obéit, et enfin la représentation du mouvement à exécuter. Lorsque nous essayons d’exécuter simultanément deux mouvements volontaires différents, nous sommes obligés de réunir simultanément dans notre esprit deux représentations mentales différentes de l’acte ; si je veux écrire Paris de la main droite et Londres de la main gauche, il faut que les images des mouvements compliqués nécessaires pour écrire ces deux mots tiennent en même temps dans le champ de ma conscience ; or la chose est souvent impossible ; les images entrent en conflit, et les mouvements deviennent irréguliers. Telle est, ce me semble, la principale raison qui nous empêche souvent d’exécuter simultanément avec exactitude deux mouvements volontaires ; c’est que nous ne pouvons pas nous les représenter, les concevoir simultanément.

Mais lorsqu’il s’agit d’un mouvement automatique : il peut coexister avec un mouvement volontaire parce qu’il n’est pas précédé d’une