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tion volontaire est très variable d’un sujet à l’autre. Ainsi, j’exposerai tout à l’heure quelques recherches que j’ai faites sur l’écriture automatique ; je prenais la main des sujets et je les priais de s’absorber dans une lecture, et de ne plus du tout s’occuper de ce que je faisais avec leur main. Quelques-uns y arrivèrent rapidement ; d’autres, malgré tous leurs efforts, ne pouvaient pas comprendre ce qu’ils lisaient ; leur attention se portait, malgré eux, sur leur main, pour épier ce qui allait se produire. En variant un peu cette expérience, j’arrive à mesurer grossièrement le pouvoir volontaire d’attention d’une personne ; je l’invite à serrer rapidement, par série de trois, un tube de caoutchouc relié à un appareil enregistreur, et je la prie de ne pas s’occuper du tout des mouvements que j’imprime à son autre main. La régularité du tracé peut ainsi donner une idée de l’attention volontaire du sujet ; mais l’attention est ici fortifiée par l’intérêt que le sujet trouve à produire un tracé correct.

La fixation de l’attention sur un point suppose nécessairement une inhibition des états de conscience étrangers à la synthèse qui occupe actuellement l’esprit. Il est d’observation courante que lorsqu’on s’absorbe dans une perception quelconque, on devient, à un certain degré, insensible à tout ce qui n’est pas cette perception ; c’est ce qu’on appelle l’état de distraction, qui est le complémentaire de l’état d’attention ; et on pourrait par exemple analyser l’inconscience par distraction, l’oubli par distraction, etc. ; nous n’étudierons ici que l’automatisme par distraction.

L’automatisme par distraction volontaire.

On peut profiter d’un état de distraction volontaire d’une personne pour provoquer en elle des mouvements involontaires, c’est-à-dire des mouvements qui n’émanent pas de son moi conscient. Je donnerai à ces mouvements la qualification d’automatiques, à l’exemple de M. Pierre Janet ; le terme d’automatisme doit s’appliquer à des phénomènes psychologiques élémentaires, qui n’émanent pas d’une personnalité bien constituée. La suite de cette étude montrera suffisamment, je l’espère, l’exactitude de ce terme.

Prions une personne de lire attentivement un journal ou de faire de tête un calcul compliqué, et prenons sa main ; pour que son attention ne soit pas éveillée sur ce qui va se passer, usons d’une supercherie ; faisons-lui croire que c’est nous qui allons imprimer des mouvements à sa main, et que, quant à elle, elle n’a qu’à s’abandonner, sans résistance aux mouvements de l’expérimentateur. J’ai suivi cette expérience sur cinq personnes, et j’en ai publié les résul-