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A. BINET.concurrence des états psychologiques

Pour expliquer les faits précédents, qui sont très significatifs, je suppose que chaque synthèse psychique a une tendance à se développer dans tous les sens, et à produire dans l’organisme entier une forme particulière de mouvement qui est la sienne.

En conséquence on n’aura pas de peine à comprendre que si les deux mains exécutent en même temps le même travail, elles pourront se prêter un mutuel appui ; ainsi, on trouve des personnes qui peuvent plus facilement tracer leur signature avec la main gauche si elles la tracent en même temps avec la main droite. Cette observation m’a été communiquée, il y a longtemps déjà, par M. Delbœuf ; je la retrouve également dans l’ouvrage de M. Romanes sur l’évolution mentale ; j’ai pu la vérifier chez plusieurs personnes, non chez toutes.

M. Romanes explique ce résultat en invoquant la loi de similarité, si bien mise en lumière par les psychologues anglais ; les mouvements des deux mains s’associent facilement quand ils se ressemblent. Mais on pourrait invoquer une autre explication, conforme aux idées de M. Paulhan, et remarquer que les mouvements des deux mains s’associent dans ce cas, parce qu’ils concourent au même but.

En résumé, les expériences nombreuses qu’on peut faire sur les mouvements simultanés des deux mains — expériences dont je n’ai pu citer qu’un très petit nombre — me semblent ajouter un trait de plus aux conclusions auxquelles nous étions arrivés précédemment. Elles nous montrent en effet que deux synthèses différentes peuvent coexister et s’unir quand elles ont la même fin (par exemple si on veut écrire la même chose avec les deux mains) ; de plus, lorsque les deux synthèses ont une fin différente, non seulement chacune tend à réduire l’autre, mais encore elle tend à lui imposer son rythme, sa forme particulière.

La fixation de l’attention sur un seul point.

Nous avons étudié jusqu’ici des cas où l’attention se divise entre plusieurs faits psychologiques, perceptions ou mouvements ; il nous reste à examiner les cas où l’attention se fixe sur un point unique, ce qui produit pour le reste un état de distraction. Nos observations actuelles, comme les précédentes, ont toutes été faites sur des sujets normaux ou à peu près.

Les psychologues manquent d’un procédé pratique pour mesurer même grossièrement le degré d’attention volontaire de chaque personne ; mais les expériences les plus simples montrent que l’atten-