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première fois simultanément deux mouvements compliqués qui n’ont rien de commun, comme d’écrire une phrase avec la main droite et de faire décrire un mouvement circulaire à la main gauche, la perfection de ces deux mouvements est beaucoup moins grande que si le sujet les exécute chacun isolément.

Le fait qui nous paraît le plus frappant, c’est la tendance que présente chacun des deux mouvements simultanés à introduire quelques-uns de ses éléments caractéristiques dans l’autre mouvement. Les deux synthèses motrices étant en présence, chacune semble chercher à influencer l’autre. Nous avions constaté déjà ce fait, quand nous cherchions à faire coexister une opération intellectuelle avec un mouvement compliqué de la main. Ainsi, nous avions remarqué chez une personne que pendant qu’elle lisait à haute voix des vers, la main en suivait le rythme. Mais cet accord était fugitif. Lorsque ce sont des mouvements des deux mains qui coïncident, cette influence est beaucoup plus nette.

Ainsi, mettons entre les deux mains du sujet deux tubes de caoutchouc, reliés à notre appareil enregistreur, il est convenu que le sujet va faire une série de pressions de la main droite ; la main gauche ne devra serrer que deux fois sur cinq. L’expérience commence, l’appareil est mis en mouvement ; pendant quelque temps, chaque main peut s’acquitter exactement de son travail, surtout si le sujet s’observe ; mais bientôt il n’est pas rare de constater que la main gauche fait souvent trois ou même quatre pressions, au lieu de n’en faire que deux ; elle se laisse en quelque sorte gagner par l’exemple de la main droite. Autre expérience : plaçons un porteplume dans chaque main et demandons à la personne de tracer simultanément des caractères différents, par exemple des barres avec la main gauche et des u avec la main droite ; non seulement l’écriture de chaque main est moins parfaite que lorsqu’elle écrit seule, mais encore chacun des caractères paraît se déformer un peu pour ressembler à celui de l’autre main ; ainsi les barres tracées de la main gauche se rapprochent des u tracés par la main droite ; cela se produit surtout au début ; l’attention du sujet en relevant cette imitation inconsciente de la main droite par la main gauche, peut l’empêcher de se produire ; mais si le sujet est distrait un moment, l’imitation recommence. De même encore, engageons une personne à faire tourner circulairement sa main droite de haut en bas et d’arrière en avant, sa main gauche d’avant en arrière : on verra fréquemment, après un instant d’hésitation, les deux mains qui involontairement décrivent le cercle dans le même sens ; le mouvement de l’une s’est communiqué à l’autre.