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à travers des variations, très intéressantes, qui se sont produites d’un sujet à l’autre, il a été facile de distinguer quelques traits permanents qui se retrouvaient chez tous.

Des deux opérations intellectuelles qui entrent en conflit, il en est une qui se prête directement à l’étude, c’est celle qui s’inscrit sur le cylindre ; on peut dire que le tracé permet d’analyser cette opération et d’en saisir le détail. Supposons en effet, pour prendre un exemple particulier, qu’on ait prié le sujet d’exercer deux légères pressions sur le tube de caoutchouc à un intervalle d’une seconde. Tout d’abord l’expérience apprend qu’avec un peu d’habitude cette petite opération se fait avec une grande régularité, tant qu’elle n’est pas troublée par la fatigue ou par une autre cause. Si nous analysons le tracé, au point de vue des opérations mentales qu’il traduit, on voit qu’il suppose d’abord une faculté de mesurer le temps, puisque les intervalles de repos entre chaque double contraction sont sensiblement égaux ; le tracé suppose en outre la faculté de compter les contractions, puisque le sujet en fait toujours exactement le même nombre ; et, en outre, comme les contractions conservent à peu près la même hauteur et la même silhouette, il y a là autant d’éléments, appartenant à la mémoire musculaire, qui entrent en jeu. L’opération que nous venons de prendre pour exemple suppose donc un certain nombre de phénomènes psychologiques, qui se groupent, qui se coordonnent, et qui forment une synthèse autonome. Lorsqu’on prie le sujet d’exécuter en même temps un travail intellectuel d’un tout autre ordre, comme de faire de tête l’addition de deux chiffres, on voit le tracé présenter plusieurs irrégularités qui durent à peu près autant que le second travail mental, et qui sont la preuve du trouble apporté dans l’intelligence du sujet par la coexistence de deux opérations intellectuelles d’ordre différent. La méthode graphique permet d’analyser la nature de ce trouble, avec autant de précision qu’il permet de voir les éléments dont se compose le tracé.

Un premier fait est établi par ces expériences ; si on examine le tracé pris dans les conditions que nous venons de décrire, on peut constater facilement qu’il présente des irrégularités qui commencent au moment où le sujet fait une addition de tête, et finissent quand l’addition est terminée ; le tracé qui précède et celui qui suit cette opération intellectuelle est au contraire régulier.

Nous allons étudier séparément :

1o La perturbation produite dans les états de conscience par leur conflit ;