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les mathématiques ou par la mécanique : par exemple, les relations des masses, des vitesses, des directions, etc. ; on peut donc accorder que, dans ce domaine, c’est le mécanisme qui qualifie les choses, et on peut accorder que, dans la même mesure, c’est le mécanisme qui les conditionne. Mais il est bien évident qu’il y a, dans l’univers, des relations qui ne peuvent se définir que partiellement par les mathématiques et par la mécanique. Quand même il serait vrai que « les nombres régissent le monde entier », il est certain que les relations numériques, géométriques et mécaniques ne définissent pas d’une manière adéquate la sensation, le sentiment, l’idée. Il existe dans le domaine mental des phénomènes, des qualités, des relations qui ne sont pas totalement réductibles à des nombres, à des figures et à des mouvements ; ici donc, le mécanisme ne qualifie pas tout. Maintenant, dans ce même domaine mental, conditionne-t-il tout ? Qu’il soit la condition partielle et antécédente des phénomènes, c’est ce qui est incontestable, mais en est-il la condition unique, adéquate et suffisante ? Les partisans de l’évolutionnisme mécaniste l’affirment, ils ne le prouvent pas. En retranchant le psychique du nombre des conditions qui concourent à l’évolution universelle, ils aboutissent à cette proposition invraisemblable : — Il y a des choses qui ne sont définissables et qualifiables que psychiquement et qui cependant n’ont aucune condition psychique, aucun facteur psychique ; toute l’efficace est du côté des relations mathématiques et mécaniques, dont le mental est un simple reflet. Il est clair que cette assertion est une thèse de métaphysique dépassant de beaucoup notre expérience et, de plus, contraire à toutes les probabilités rationnelles. On a en effet, dans l’univers, toute une région de phénomènes, de qualités et de relations mentales sans qu’il y ait pourtant nulle part de raisons mentales. Les sentiments, désirs, idées, sont exclus, comme des parias, du nombre des causes ou des forces, et toute relation causale se trouve identifiée avec une relation mathématique. On aboutit ainsi à faire sortir du mécanisme un monde qu’il ne peut cependant expliquer. On trouve dans la solution finale de l’équation un surplus psychique qui n’était nullement dans les données initiales, et on se tire alors d’affaire en appelant le psychique un résultat collatéral, un épiphénomène, une sorte d’aubaine miraculeuse grâce à laquelle le mécanisme se met tout d’un coup à sentir et à penser. Un tel résultat est absolument inexplicable. Dans l’hypothèse où le mouvement est la cause de la pensée, tant que l’on constate la persistance du mouvement dans le cerveau, si la pensée vient à se produire, la pensée se trouve être une addition sans cause, puisque le mouvement subsiste toujours équivalent à