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A. FOUILLÉE.l’évolutionnisme des idées-forces

condition suffisante. Pour sortir de cette difficulté, Wundt et James Ward ramènent l’activité à l’aperception ou attention, et ils expliquent le plaisir et la peine par le rapport des représentations à la puissance « d’attention » effective ou « d’aperception ». « Il y a plaisir », dit James Ward, « lorsque le maximum d’attention est efficacement exercé, il y a peine quand cette attention effective est frustrée par des distractions, des chocs, par des adaptations incomplètes ou fautives, dues à l’étroitesse du champ de la conscience, à la lenteur ou à la petitesse des changements qui s’y produisent. » Cette théorie pourrait se soutenir des plaisirs intellectuels et esthétiques, mais non des plaisirs en général. Faire attention à une douleur, sans distraction, sans choc, avec des changements rapides et forts dans le champ de la conscience, ce n’est pas éprouver du plaisir. Il faut donc, selon nous, sous l’attention replacer l’appétition, qui d’ailleurs explique l’attention même. Et l’appétition, à son tour, ne s’explique pas par un simple rapport d’intensités entre les représentations, mais c’est, au contraire, l’intensité de ces représentations mêmes qui a en partie son explication dans l’intensité de la réaction produite par le désir. Les idées, en d’autres termes, ont une force empruntée à deux sources : 1o les objets extérieurs qui agissent sur l’organisme conscient ; 2o la réaction de l’organisme conscient, provoquée par le plaisir ou la douleur, et qui constitue l’appétition. Toute idée implique ce processus à trois termes que nous appelons le processus appétitif : représentation, émotion, appétition ; c’est dans ce processus, qui aboutit toujours physiologiquement à la motion, que réside la force propre de l’idée, considérée du côté mental. Le contenu représentatif, à lui seul, n’explique pas cette force et répond plutôt à la force des objets, à leur action ; avec le plaisir et la douleur commence vraiment la part du sujet. Tout plaisir, il est vrai, toute douleur, impliquent un contenu qualitatif représenté à la conscience, qui permet de les discerner d’un autre plaisir, d’une autre douleur ; ainsi le mal de tête et le mal d’estomac sont différenciés par des sensations ou représentations ayant leurs « signes locaux », leur couleur locale, leurs qualités distinctives et originales. Mais le plaisir comme tel, indépendamment de ses causes, de ses objets, toutes les sensations ou représentations qui le provoquent, n’en est pas moins un état du sujet, ou plutôt une réaction du sujet qui, par elle-même, ne représente nullement l’objet. L’exagération de cette vérité a même fait soutenir que les plaisirs comme tels, et indépendamment des sensations ou représentations concomitantes, diffèrent seulement en intensité, non en qualité. Pour notre part, nous admettons qu’ils diffèrent réellement en qualité, mais en qualité subjective