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dynamiquement, comme une condition de changement dans le système psychique total dont elle forme une partie. La plupart du temps, les psychologues s’en tiennent au premier point de vue. Ils fixent alors leur attention tantôt sur la ressemblance ou différence de deux contenus d’idées présents à la conscience, ou sur d’autres relations constitutives du contenu actuellement représenté, tantôt sur la relation de l’idée aux objets qu’elle est supposée représenter, exprimer, refléter, etc. À ce point de vue, ils trouvent nécessairement dans l’idée absence entière de tout ce qui peut s’appeler force, énergie, efficacité, action même d’ordre purement psychique. Par exemple, la ressemblance et la différence entre deux idées ne sont nullement des modes d’action mutuelle, pas plus qu’elles ne le sont entre deux tableaux immobiles contre un mur. Chacune des idées reste ce qu’elle est tout en ressemblant à l’autre ou en s’opposant à l’autre par son contenu actuel. De même, les variations qui peuvent se produire dans notre idée d’un objet n’altèrent pas l’objet lui-même et ne le font pas varier ; ce n’est pas notre idée qui agit sur l’objet ; c’est, au contraire, l’objet qui est supposé agir sur l’idée et qui la fait varier comme le mouvement du feuillage fait varier les taches d’ombre sur le sol lumineux. Tant qu’on n’accorde ainsi aux idées qu’un simple contenu représentatif et actuellement présenté à la conscience, tant qu’on se les figure comme des sortes d’empreintes immobiles ou de reproductions photographiques, toute notion d’un dynamisme psychique, c’est-à-dire d’une action mutuelle des faits psychiques capable de faire apparaître l’un et disparaître l’autre, en un mot, toute notion d’idées-forces devient inconcevable. Mais cette façon exclusivement statique de concevoir les idées et faits de conscience est une métaphore matérialiste que le psychologue n’a pas le droit d’ériger en principe. En fait, au point de vue de la conscience, on peut et on doit concevoir tout état de conscience, par exemple la douleur, comme contenant en soi des conditions de changement pour d’autres états de conscience. Quand la douleur me fait m’écarter d’un objet, c’est, au point de vue de la conscience, la douleur qui explique l’aversion, parce qu’elle a en soi certaines conditions indispensables du changement intérieur appelé aversion. Toute autre explication est en dehors du point de vue psychologique. La notion même d’influence, d’action, d’efficacité, de force, est tout empruntée au point de vue psychologique : c’est l’impulsion causée par le désir ou la répulsion causée par l’aversion qui me donne l’idée d’une contrainte interne et d’une force réagissant contre un obstacle. La psychologie ne peut pas, sans une sorte de suicide, abandonner ce point de vue : elle doit renvoyer les hypo-