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A. FOUILLÉE.l’évolutionnisme des idées-forces

tives, marques d’une différenciation et d’une intégration ultérieures. Les qualités fondamentales, dans les sensations, sont celles qui ne sont pas représentatives, mais simplement affectives : ce sont les modes divers de plaisir et de douleur. Encore ces mots désignent-ils quelque chose de trop tranché et, par cela même, d’amplifié. Il faut, dans le plaisir et la douleur, ne considérer que les rudiments d’aise et de malaise. On arrive ainsi à concevoir un état de sourd bien-être ou de malaise sourd ; c’est l’élément à la fois sensitif et émotionnel. À son tour, cet élément implique une réaction plus ou moins sourde qui a son type dans l’appétition, dans l’aspiration à un objet ou dans l’aversion, avec les mouvements corrélatifs en avant ou en arrière. Le fond des diverses appétitions, enfin, est l’appétit général de vivre, — dernière chose qui disparaisse chez les animaux, et dans la vie morbide comme dans la vie normale. On voit donc de nouveau que les changements élémentaires de l’ordre mental doivent être appelés des appétitions, inséparables de ces modifications élémentaires qui sont le fond des sensations, et de ces émotions élémentaires qui constituent le bien-être vital ou le malaise vital. Quant au choc, il n’est pour nous que la réaction de quelque appétition sourde contre le milieu résistant, la marque physique et extérieure d’un conflit qui, vu du dedans, apparaîtrait d’une nature analogue à ce que le psychique renferme de plus rudimentaire. En ce cas, la vraie force primitive, au lieu d’être purement mécanique et mathématique, serait de nature mentale. La psychologie, par là même, au lieu d’être cette science de simples reflets dont on nous parle, nous introduirait au cœur de la vraie réalité, qui, se révélant à soi par la conscience, ne se perd pas au moment même où elle paraît se retrouver, ne cesse pas d’être en se connaissant, mais se connaît comme elle est et agit.

IV. — La doctrine des idées-reflets vient de ce que, par une abstraction illégitime, on considère uniquement dans les états mentaux le côté représentatif, auquel on prétend ensuite tout réduire. On finit ainsi par absorber tout le subjectif dans l’objectif, qui, à son tour, se réduit au mécanisme. Il ne reste plus alors qu’à imaginer, en dehors du monde mécanique supposé seul réel, un monde de reflets, séjour de fantômes, qu’on abandonne à la psychologie. Or, c’est là une hypothèse matérialiste que tout véritable psychologue refusera d’introduire dans sa science. Au point de vue psychologique, en effet, une idée ou représentation peut être considérée sous deux rapports : ou bien, statiquement, comme ayant un certain contenu qualitatif, qui la constitue telle et non autre ; ou bien,