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A. FOUILLÉE.l’évolutionnisme des idées-forces

Cette vérité a été exagérée par les partisans de l’inconscient, qui ont représenté les éléments de la conscience comme absolument inconscients, tandis qu’il suffit de les représenter comme subconscients ou comme éléments indistincts de conscience. Et non seulement cette dernière hypothèse suffit à l’explication des faits, mais elle est la seule rationnelle, puisqu’on ne comprend pas que des « zéros de conscience », en s’accumulant, produisent la conscience. Ajoutons que cette hypothèse est, en réalité, le postulat même de la psychologie. En effet, la psychologie suppose : 1o que les états de conscience sont résolubles par l’analyse en éléments plus simples, dont la nature et les relations expliquent les états plus complexes, mais qui ne sont pas immédiatement perceptibles et discernables dans ces états ; conséquemment que la vie mentale renferme des éléments autres que ceux qui apparaissent à la conscience distincte. Mais la psychologie suppose aussi ; 2o que, par l’attention ou l’introspection, on peut distinguer dans les états complexes des éléments plus simples qui en sont les composants, et que, là où l’analyse par l’attention devient impossible, on se trouve simplement en présence d’un cas analogue à celui de l’analyse microscopique. Si, au-dessous d’une certaine limite, l’attention cesse de distinguer les états de conscience composants, ce n’est pas que l’élément de la conscience disparaisse tout d’un coup, mais c’est qu’il devient trop peu intense ou d’une qualité trop peu déterminée, ou d’une durée trop courte, ou d’une continuité trop indissoluble avec le reste pour pouvoir être aperçu à part. Avec un appareil d’introspection plus grossissant, si l’on peut ainsi dire, nous verrions de nouveau la nébuleuse intérieure se résoudre en étoiles ou en lumière diffuse. Les expériences psycho-physiques sur la composition des sensations aboutissent à ce résultat que les sensations qui atteignent une intensité, une durée, une détermination qualitative et une discontinuité assez grandes pour être aperçues à part dans la conscience réfléchie, sont composées de sensations indistinguées ou d’éléments de sensation indistingués, mais qui n’en sont pas moins, selon nous, de la conscience à l’état diffus et rudimentaire, en un mot de subconscient.

Ainsi, au lieu d’enseigner avec M. de Hartmann, la philosophie de l’inconscient, nous professons « la philosophie du conscient », en ce sens que, sous l’action réflexe comme sous la volonté et l’intelligence, nous retrouvons la sensation, puis, sous la sensation même, le plaisir et la douleur avec l’appétition qui en est inséparable, conséquemment un état de conscience non réfléchie, mais où pourtant l’être se sent lui-même et n’est pas « abstrait de soi ». Nulle part nous ne voyons la pure inconscience et la pure indifférence.