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il faut dîner, au moins quelquefois, on commence par la pratique, bonne ou mauvaise. La science de la richesse naît du besoin de fournir une base et une méthode à l’art de s’enrichir, lequel procède lui-même d’un effort spontané pour se prémunir contre les nécessités du lendemain.

L’art de s’enrichir comprend les lois du travail : l’art de produire les biens, et les règles de l’épargne : l’art de conserver et d’accroître les biens en les utilisant pour la production. Mais l’art de travailler se spécialise dans la diversité des industries ; on conçoit mal l’utilité d’une technique pure, embrassant les seules généralités communes à tous les métiers, et s’il était possible d’édifier cette discipline, les fondements en seraient fournis par la logique, par la physique et par la morale. Reste l’administration des biens, avec sa théorie, la science économique, l’économie, sans qualification restrictive ; ou mieux (pour ne pas envelopper sous le même signe un produit important du travail de la pensée et une façon d’agir résultant de l’habitude acquise et du caractère individuel), l’Économique. La naturalisation de ce terme ne saurait rencontrer d’obstacle, puisqu’il est absolument conforme à l’analogie des noms les plus familiers, la physique, la logique, la rhétorique, aussi bien que des appellations plus modernes, l’éthique, la mathématique, la cinétique, et tant d’autres adjectifs récemment substantifiés, suivant la pratique à laquelle tous les substantifs doivent l’existence.

Ainsi l’Économique (c’est le nom exact) étudierait les lois de la production et de la consommation, sur lesquelles repose l’art de satisfaire à nos besoins d’une manière aussi complète que le comportent les ressources de la nature. L’Économique est la science de l’intérêt, au sens matériel du mot intérêt, c’est la science dont il importe de connaître les théorèmes afin d’y conformer sa conduite lorsqu’on se propose de s’enrichir. Elle nous apprend également à nous procurer la plus grande somme de satisfactions possibles en consommant une quantité de biens donnée ; mais elle ne nous enseigne point en quoi doivent consister ces satisfactions, ni quelle hiérarchie il convient d’établir entre les satisfactions admises, elle ne nous dit point quelles il faut poursuivre et quelles il faut s’interdire ; c’est affaire au bon goût, à l’hygiène, au droit et à la morale.

En se plaçant au point de vue économique, tout ce qui répond à un désir quelconque sera donc utile, et constituera dans ce sens un bien. Cependant tous les biens ne sont pas des biens économiques, ils ne revêtent ce caractère que lorsqu’ils prennent une valeur appréciable, lorsqu’ils exigent quelques soins pour les produire, les conserver, les acquérir ou les administrer, c’est-à-dire lors-