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de progrès civil, social et moral. Quelques réserves qu’on puisse faire sur les idées émises dans ce chapitre, il m’a paru l’un des plus nourris, des plus personnels, des plus actuels du livre.

Le chapitre suivant, consacré à la prévoyance sociale opérant sur l’individu par l’éducation sous toutes ses formes, quoique reproduisant les théories déjà développées dans l’Histoire de la pédagogie et la Science dans l’éducation, n’en offre pas moins d’intérêt. M. Siciliani dit encore ici leur fait aux partisans extrêmes de la liberté et de la nécessité. La confiance absolue des uns et des autres dans l’œuvre de l’éducation est illusoire ; la flexibilité de notre nature, comme ils l’entendent, est en opposition avec l’expérience psychologique. Le grand secret de l’art éducatif, c’est de proposer à la volonté un tel ensemble de motifs, à faire contracter de telles habitudes, que la formation du caractère soit, pour ainsi dire, une création : c’est là l’œuvre avant tout de l’individu à élever, de son activité propre, plutôt qu’un effet superficiel et artificiel du maître, de la famille, de l’Église, de la société. L’école scientifique, libérale, populaire, doit présenter un triple caractère : elle doit être antisystématique dans ses inspirations, — relative, adaptative dans ses moyens, — indépendante et laïque dans ses fins. Le respect et le développement de la personne humaine, voilà son principe, ses moyens, sa fin.

M. Siciliani étudie en dernier lieu la liberté de l’homme en tant qu’il devient membre de la cité. Ici encore il trouve aux prises l’école a priori qui soutient une liberté d’origine en quelque sorte idéale, et l’école empirique qui lui donne une origine empirique. M. Siciliani la fait naître de l’évolution étudiée dans ses plus lointaines origines, organiques et animales. Dans la vie sociale, il y a lieu de distinguer une période de formation spontanée et une période de formation réfléchie. Celle-ci commence avec la division et la lutte du pouvoir social et par conséquent s’inaugure avec la conscience et l’affirmation de la personnalité humaine dans l’ordre surtout civil, politique et religieux. Les plus anciens pouvoirs sociaux sont l’État et l’Église. Quelle en est la valeur, leur marche et leur signification ? Quelle en est l’origine psychologique ? Comment évoluent-ils et se corrigent-ils les uns les autres et par l’œuvre de nouveaux pouvoirs sociaux ? Comment triomphe le principe de la liberté personnelle, et par suite la théorie bien entendue de la démocratie individualiste ? M. Siciliani développe sur tous ces points des considérations critiques, propose des solutions le plus souvent éloignées des extrêmes, et qui seront lues avec profit par ceux mêmes qui auraient le plus d’objections à y faire.

Bernard Perez.