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phénomène physiologique que « l’excitation d’un complexus de cellules se transmet par l’intermédiaire d’une voie frayée aux cellules qui auparavant se sont trouvées excitées en même temps que lui » (p. 133) ; c’est ainsi en effet qu’il conçoit le côté physiologique de l’association par coexistence. Cette théorie lui permet d’admettre l’établissement inconscient et rapide de rapports entre des parties déterminées du cerveau ; et de là l’explication des chiffres obtenus dans les expériences dont il a été tout à l’heure parlé. Malheureusement, c’est, dans le livre et en fait, la théorie qui précède les chiffres plutôt que les chiffres qui conduisent à la théorie. M. M. a d’ailleurs une tendance évidente à se livrer à la construction d’hypothèses. C’est là un danger contre lequel, dans l’intérêt même de la psychologie expérimentale, dont il promet d’être un sérieux défenseur, il doit se tenir en garde.

A-t-il au reste vraiment réduit à néant la théorie de l’aperception ? C’est ce dont on peut douter. Lui-même, comme nous l’avons déjà fait remarquer, conserve une conscience abstraite qui n’est qu’une aper<îeption de plus en plus vidée de son contenu, mais encore une aperception. De plus, en dernière analyse et quant au contenu spécifique de l’idée (il est bon en effet de distinguer ces trois choses : l’idée apercevante qui est le seul élément relativement spécifique de l’aperception, l’idée aperçue, le rapport entre l’une et l’autre), aperception est synonyme de spontanéité, d’individualité, d’innéité, et, par conséquent, la position de ceux qui admettent des aperceptions est réellement inexpugnable. On peut s’essayer à diminuer le nombre des idées apercevantes ou tendances premières reconnues par certains, mais refuser d’en admettre aucune est aussi téméraire que vouloir nier l’influence de l’expérience sur le développement de l’esprit. D’ailleurs les discussions sur Taperception et l’association en général ne font en réalité que perpétuer le vieux débat sur l’innéité et l’expérience.

B. Bourdon.

Pietro Siciliani. Le questioni contemporanee e la liberta morale nell’ordine giuridico. p. 368 in-12 ; Zanichelli, Bologna, 1889.

Ce livre avait d’abord formé un chapitre d’un livre intitulé Socialisme, darwinisme et sociologie moderne. Revu par l’auteur pour être publié à part, et enrichi d’une préface de M. Fambri, il peut être considéré comme un livre tout nouveau. Il l’est, à plus forte raison, pour les lecteurs de la Revue, auxquels il n’avait pas été rendu compte de la première ébauche. Il mérite d’être lu pour les questions qu’il traite et pour la façon vive et nette, consciencieuse, dont elles ont été exposées par le regretté Siciliani. Quelle question plus importante, en effet, que celle de la liberté morale, envisagée sous tous ses aspects sociaux ?