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le système nerveux et font monter la température avant la mort, comme le fait la vératrine, ou de celles qui l’abaissent comme le font la morphine ou le chloroforme.

Il paraît donc manifeste que la vie des tissus est soumise au système nerveux, et qu’un animal frappé en pleine vie continue à produire des actions chimiques, tant que son système nerveux conserve encore un peu d’activité. « Mais si l’on empoisonne son système nerveux, les actions chimiques s’arrêtent tout autant, sinon plus, que quand on fait cesser la circulation. Le cœur bat encore, la respiration amène de l’oxygène dans le sang ; mais les actions chimiques, par suite de l’empoisonnement du système nerveux central, n’en sont pas moins arrêtées. Au contraire, sur un animal mort par écrasement du bulbe, le cœur ne bat plus, l’oxygène ne pénètre plus dans le sang, mais le système nerveux commande encore les actions chimiques. Celles-ci, si incomplètes qu’elles soient, par suite de l’arrêt circulatoire, sont suffisantes pour produire autant de chaleur que dans le cas d’un empoisonnement qui paralyse la fonction thermique des centres nerveux. »

Le rôle du système nerveux dans la production de la chaleur paraît donc aussi bien établi que possible. La connaissance des rapports de la contraction musculaire, qui est la principale source directe de la chaleur, avec le système nerveux, aurait certes suffi à prouver cette action ; mais quelques faits d’une analyse plus délicate, que M. Richet a demandés à l’expérimentation, mettent mieux encore en lumière cette action considérable, dominante du système nerveux, et donnent à sa doctrine un relief plus marqué. Tous ces faits comportent en effet cette même conclusion, que le système nerveux peut faire monter la température par un autre mécanisme que celui de la secousse ou du tétanos musculaire, c’est-à-dire par une influence directe sur l’activité des cellules en général. À l’appui de cette manière de voir, M. Richet a apporté un grand luxe de preuves, plus ou moins directes. Il a d’abord rappelé l’action des poisons, dont les uns font monter, et, les autres, baisser la température. Assurément, ces poisons peuvent agir sur les échanges interstitiels, mais il est vraisemblable que cette action thermique se fait par l’intermédiaire du système nerveux, et n’en est que le retentissement sur les phénomènes chimiques de la nutrition. Puis, il a cité l’expérience classique de la section de la moelle d’un animal, expérience dans laquelle on voit la température s’abaisser très rapidement.

Or, bien que les mesures calorimétriques montrent qu’il y a dans ce cas une dilatation considérable des vaisseaux périphériques pour relâchement des vaso-moteurs, et par suite un rayonnement intense, l’analyse de l’air expiré prouve que les échanges interstitiels sont énormément diminués, dans la proportion des cinq sixièmes, et qu’ainsi il y a bien ralentissement dans la calorification, par le fait de la suppression de l’action du système nerveux.

Enfin, et par un procédé inverse, M. Richet a pu montrer que cer-