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ANALYSES.h. lauret. Philosophie de Stuart Mill.

1875 sa seconde édition, suffit à montrer qu’à partir de cette époque, Stuart Mill n’a plus été un inconnu pour ceux qui, en France, s’occupent de philosophie. Il faudrait encore mentionner la thèse de M. Lachelier sur le Fondement de l’induction, la Morale de M. Janet, la Morale utilitaire de M. Carrau, la Morale anglaise de M. Guyau, les Logiciens anglais contemporains de M. Liard, les articles de M. Carrau sur le Dualisme, de M. Brochard sur la Logique de Stuart Mill, publiés en 1879 et 1881 dans la Revue philosophique, qui donnait également un article de Mill sur Berkeley et des Fragments inédits de socialisme ; la traduction de l’Autobiographie, des Essais sur la religion, de la Philosophie d’Hamilton, du livre sur Aug. Comte et le Positivisme ; des articles dans la Revue politique et littéraire, dans la Revue scientifique, dans la Critique philosophique, etc. M. Lauret a également négligé de montrer l’influence de l’éducation singulière que lui donna son père, sur la formation de sa philosophie : il semble bien cependant, d’après les témoignages de Mill lui-même, que l’une dérive de l’autre, dans une certaine mesure tout au moins. Par cela même M. Lauret n’a pas tenu compte de la transformation profonde qui se produisit chez Mill, d’abord en 1826, puis beaucoup plus tard encore, sous l’influence de celle qu’il devait épouser, et qui fit du disciple de James Mill et de Bentham un socialiste, un admirateur du désintéressement et du dévouement. Sans avoir établi, sans même avoir mis en doute l’unité de la doctrine, M. Lauret nous expose en quatre chapitres la philosophie de Stuart Mill : il traite successivement de la psychologie, de la logique, de la morale, du positivisme idéaliste et de la religion humanitaire. Le plan est simple, et l’auteur peut y faire entrer sans peine tout ce qui nous intéresse dans Stuart Mill. L’exposition est claire et, si l’on en excepte le chapitre consacré à l’éthologie, exacte et précise. M. Lauret montre bien comment et pourquoi selon Stuart Mill l’association est la philosophie même, pourquoi nous croyons à l’externe et à l’étendu, à notre esprit et aux autres esprits. Il insiste sur la théorie de l’attention, qui a, selon lui, une importance capitale dans le système ; il soutient contre M. Ferri, que Stuart Mill n’a réintégré qu’en apparence et non en réalité, l’activité de l’esprit dans la psychologie associationiste. Il remarque que, dans le débat entre les partisans de l’expérience et les défenseurs de l’à priori, il y va de toute la philosophie ; il met bien en lumière la théorie du désir et de la volonté, les objections qui lui ont été adressées et les réponses qu’y a faites Stuart Mill. Il expose ce que Stuart Mill pense des noms et de la proposition, en l’opposant à la doctrine d’Hamilton sur le même sujet. Les chapitres consacrés à la déduction et à l’induction sont parmi les plus intéressants de l’ouvrage, comme les objets dont ils traitent sont peut-être ceux où Mill a montré le plus d’originalité. M. Lauret montre comment en morale Stuart Mill passe du moi au prochain ; comment il élargit sa doctrine au point de la faire coïncider avec la morale intuitive ; comment il explique par l’association le sentiment d’obligation, la force et l’autorité du devoir sans