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CE QUE DEVIENNENT LES IDÉES


On ne peut traiter de la mémoire et de l’oubli sans que la question se présente de savoir ce que les idées deviennent, depuis le moment où elles ont disparu de l’esprit, jusqu’à celui où elles y reparaissent après une plus ou moins longue absence. Sur ce double phénomène d’apparition ou de réapparition des idées, il n’y a que deux hypothèses à faire à ce qu’il semble, ou elles sortent de l’entendement, ce qui revient à dire qu’elles cessent d’être absolument, ou elles n’en sortent pas, et elles continuent d’exister en quelque façon. Si elles en sont sorties, comment y reviennent-elles ? Si elles y sont demeurées, en quel état et sous quelle forme ?

Les psychologues anciens et modernes se sont partagés entre l’une et l’autre solution. S’il nous est permis de nous citer ici, il y a déjà longtemps que nous avons pris parti pour la première dans notre ouvrage sur le Principe vital et l’âme pensante. Nous voudrions nous défendre contre certaines objections qui se sont reproduites dans de récentes publications ; nous voudrions surtout combattre une opinion opposée qui semble tendre à s’accréditer dans la psychologie contemporaine, à savoir que l’habitude seule explique tout.

Peut-être semblera-t-il, au premier abord, que ce qu’il y a de plus simple et de plus vraisemblable est de penser, avec Locke, que les idées cessent d’être quelque chose dès qu’elles ne sont point actuellement présentes à la conscience ou à la mémoire.

Ampère suppose, comme Locke, qu’en cessant d’être aperçus les phénomènes de l’intelligence ont cessé d’exister. « Il ne s’agit pas, dit-il, de les retrouver ; il faut les refaire, les produire, pour ainsi dire, les créer de nouveau[1]. » Tel est aussi le sentiment de quelques psychologues de notre temps parmi lesquels je citerai M. Gratacap, auteur d’une thèse remarquable ou plutôt d’un ouvrage sur la mémoire.

  1. Philosophie des deux Ampères, publiée par Barthélemy St-Hilaire, Introduction.