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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

bateurs prétendus. J’ai pensé vous le devoir envoïer, attandant la résolution finale[1]. »

Le 1er juillet se passa, et l’abbé Barthès n’écrivit plus. M. de Rudèle comprit sans doute que la résolution promise ne viendrait pas, et, sans plus tarder, il prit le parti de prononcer lui-même la condamnation qu’il avait vainement attendue de la Sorbonne. Il tint conseil à cet effet, le 15 juillet, avec le P. Claude Belli, inquisiteur de la foi, qui avait succédé au P. Girardel, et avec plusieurs théologiens de l’Université, qui examinèrent avec lui les Dialogues et l’Amphithéâtre. Il fut établi de nouveau que ces livres étaient faits « pour détourner de la connaissance du vrai Dieu ; — qu’ils enseignaient l’athéisme sans qu’il y parût et sans qu’à peine on pût se mettre en garde ; — qu’ils prenaient parti pour a une liberté abominable ». En conséquence, l’assemblée les condamna et décida qu’ils seraient prohibés. Elle étendit la même condamnation et la même prohibition à tous les ouvrages du philosophe, parus ou à paraître, car elle n’était pas sans craindre qu’il en eût laissé de manuscrits derrière lui[2]. Le lendemain, 16 juillet 1620, M. de Rudèle rendit ces décisions publiques par une ordonnance qu’un huissier de l’archevêché signifia à tous les libraires et à tous les imprimeurs du diocèse. Il leur était enjoint de ne rien vendre ni imprimer de ce qu’avait écrit Vanini ; en cas de désobéissance, le vicaire général les déclarait passibles des peines promulguées contre tous vendeurs et imprimeurs de livres défendus. C’était parler en maître absolu. On dut le lui dire de la part du Parlement, ou peut-être il le sentit, puisqu’il y a une autre copie de l’ordonnance signée et scellée comme la première, où se trouve cette restriction : « en tant qu’il appartient à la juridiction ecclésiastique[3]. »

Ainsi Vanini a été condamné deux fois à Toulouse : vivant, le 9 février 1619, par la cour du Parlement, comme Pompeïo Usiglio ; mort, le 15 juillet 1620, par le juge d’Église et l’Inquisition, comme Jules César Vanini. On comprend de reste pourquoi, dans la lutte engagée par l’esprit de foi contre l’esprit d’examen, on le désigna d’abord à la fois par son pseudonyme et par son vrai nom : on croyait ainsi le noter doublement d’infamie. Mais cette intention fut bien vite oubliée. L’auteur des Dialogues cessa bientôt d’être Jules-César et devint Lucilio pour tout le monde, sans aucun sous-entendu. Il était Lucilio à la fin du xviie siècle, quand La Bruyère donnait le nom de Lucile à l’incrédule, qu’il transperce, dans son chapitre des Esprits forts,

  1. Archives de la Haute-Garonne, carton de Vanini : Lettres de l’abbé Barthès, et extrait des registres de la Sorbonne.
  2. Archives de la Haute-Garonne, G, archevêché, carton de Vanini : ordonnance de M. de Rudèle.
  3. Ibidem.