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celui qui l’avait osée. Francon, bon gentilhomme et brave, mais rien de plus, devint l’objet d’un engouement universel dont on retrouve quelque chose dans l’Histoire du président Barthélémy de Gramond[1]. Même en présence du duc de Montmorency, il fut l’homme à la mode, le héros de Toulouse. Son témoignage, qui répondait aux vœux de tout le monde, sans compromettre personne, le mit sur l’heure hors de pair et pour toujours ; il lui donna même droit de cité. En 1621, les Toulousains, naturellement si jaloux des étrangers, n’hésitaient pas à lui marquer leur reconnaissance en le faisant colonel des milices qu’ils envoyaient devant Montauban[2]. Disons tout de suite qu’il mourut pendant le siège et que, frappé d’une balle dans la poitrine, il se fit porter dans sa tente pour y communier avant d’expirer [3].

On a cru jusqu’ici que Francon avait été seul à charger Vanini. L’erreur est venue de ce que les historiens, non moins passionnés que le peuple de Toulouse, n’ont parlé que de lui, et qu’ils n’ont pas pris soin d’indiquer les circonstances qui avaient précédé et suivi sa déposition. Mais on doit cette justice au Parlement qu’il n’a pas méconnu la maxime de droit : Testis unus, testis nullus. S’il n’a pas eu le sentiment de la tolérance, il avait du moins le respect de ce que nous appelons la légalité. Les mêmes magistrats qui avaient acquitté le prévenu, faute de preuves, après avoir différé six mois de le juger par la même raison, n’eussent pas consenti à le condamner sur un témoignage unique. Et, en effet, l’arrêt du 9 février 1619 porte qu’ils ont entendu des témoins, non pas un seul[4]. C’est que, après les révélations de Francon et l’éclat qui s’ensuivit, il se trouva des âmes vaines qui envièrent sa soudaine renommée et voulurent partager avec lui la faveur publique. Des bouches qui étaient restées fermées par imitation, quand la bienséance était de se taire, s’ouvrirent d’elles-mêmes quand il parut qu’il y avait de la gloire à parler. Le poète domestique du comte de Caraman, le jeune Baro, à qui les occasions de causer avec Pompeïo n’avaient pas manqué, se laissa aller à dénoncer ce qu’il avait pu surprendre de ses sentiments intimes sur les choses de la religion[5].

On n’avait pas attendu ses révélations tardives pour fermer de nouveau sur le philosophe les portes de la prison. Le procès aban-

  1. Barthélémy de Gramond, Histor., lib. XVIII, p. 208-210.
  2. Ibidem, p. 374.
  3. Ibidem, p. 440.
  4. Archives de la Haute-Garonne, B, 352, p. 153 bis, arrêt contre Pompeïo Usiglio.
  5. Bisselius, Septennii III, loc. citat., p. 316.