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hartmann. — la philosophie religieuse

En réalité, la solution de cette question est différente selon qu’on adhère au système théiste ou au système panthéiste. Le panthéisme, qui par le principe de l’immanence nous présente la vie éternelle comme une vie intérieurement présente, satisfait ainsi complètement l’aspiration vers cette vie éternelle, de sorte que la conscience religieuse n’a aucun motif de la chercher dans un monde futur ; il écarte le désir d’un perfectionnement personnel dans la vie future par la certitude que notre propre être continue d’accomplir, même après la mort individuelle, sa vie divine dans tout ce qui vit et dans le développement providentiel du Tout. Le théisme, au contraire, qui satisfait incomplètement l’aspiration de la conscience religieuse vers une vie éternelle par l’amour qui existe entre Dieu et nous, force par là l’imagination à placer dans l’autre vie l’accomplissement de ce qui nous manque ici-bas. Ainsi, sur le terrain du théisme, la croyance à l’immortalité est aussi indispensable au sentiment religieux qu’elle est superflue et gênante sur le terrain du panthéisme. L’indécision de Pfleiderer sur cette question nous laisse deviner qu’il y a là encore une certaine hésitation entre ses opinions panthéistes actuelles et ses opinions théistes du temps passé ; Biedermann, au contraire, a pris le seul parti logique. D’autre part, en niant tout libre arbitre indéterministe, Pfleiderer a tiré la conséquence logique du monisme concret, tandis que Biedermann n’a pas su se dégager dans ce problème des réminiscences du théisme et du système de Hegel.

Nous arrivons maintenant à la partie fondamentale de la philosophie religieuse qui se rattache directement à la définition donnée plus haut de l’essence de la religion. L’union intime et directe avec Dieu apparaît à la conscience religieuse comme une révélation de Dieu et devient en même temps pour elle le principe de la délivrance, c’est-à-dire le passage du trouble d’une conscience éloignée de Dieu à la paix d’une conscience réconciliée avec Dieu.

Par délivrance, le protestantisme spéculatif n’entend donc nullement un acte extérieur, miraculeux, mais un processus intérieur, psychique ; il rejette également la délivrance opérée par la mort du Christ sur la croix, et le péché originel remontant à la chute d’Adam. La délivrance à titre de rédemption du mal ou de la peine attachée au péché au moyen de sacrifices faits par nous-mêmes ou par d’autres répugne à une conscience religieuse véritable, c’est-à-dire autonome, et appartient uniquement au degré préliminaire d’une conscience pseudo-religieuse (soit égoïste, soit hétéronome) ; d’autre part, la délivrance par le principe de l’immanence est au nombre de ces idées spéculatives qui à la vérité ne sont pas étrangères à la doctrine