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blance est toujours identité. Ces faits irréductibles, d’ailleurs, il est encore bien peu de sujets dans lesquels nous y soyons arrivés. « En tête des théories de la chimie et de la physique se trouvent des hypothèses qui sans doute auront à subir, dans des parties même essentielles, des transformations. » (P. 54.)

Telle est donc la seule tâche des savants : substituer à des concepts vrais en leur temps, mais démentis par une expérience plus précise, des concepts, des groupements de faits, de plus en plus vérifiés ; laisser en un mot la nature agir sur l’esprit, s’y graver en traits toujours plus nets, plus complets.

Dès lors, on peut le dire, « la démonstration est ici l’agent universel : elle est le levier de notre pensée dans la vie pratique, le levier de la science… » (P. 56.) Et comme la démonstration, au fond, est un procédé purement syllogistique, « le principe de tout jugement affirmatif, c’est le principe d’identité ; de tout jugement négatif, le principe de contradiction. » (Ibid.) Ainsi disparaissent les jugements synthétiques, soit à posteriori, soit à priori ; le principe même de causalité se trouve réduit au principe d’identité ou de contradiction (p. 50-51). C’est à ce dernier que parait enfin se ramener tout l’a priori, selon M. Goetz Martius. Oa pourrait dire qu’il est toute la substance de l’esprit ; et c’est là ce dont Kant doit se contenter, pour tenir lieu de sa liste si compliquée des principes premiers (p. 7).

Dès lors, M. Goetz Martius espère que les empiristes se rangeront au kantisme ainsi transformé. Il suffit qu’ils reconnaissent à l’esprit, dans la formation de nos connaissances, une initiative propre : « Ce qui manque dans la doctrine de Mill, le facteur auquel tout au moins elle ne fait pas pleinement droit, c’est l’activité du sujet qui ordonne les sensations… Ce qu’il élimine de la pensée et du jugement, c’est la pensée elle-même. » (P. 28-29.) Mais l’aveu qu’on leur demande ainsi n’est pas pour les faire reculer. « Hume, a dit Paulsen, n’eût pas fait difficulté, je pense, d’avouer que l’esprit possède des dispositions positives à l’acte de connaître (urspürngliche Erkenntnissanlage), et il l’eût pu sans abandonner sa doctrine propre…, qu’il n’y a pas de jugements à priori universels et nécessaires qui portent sur la réalité. Paulsen a raison. » (P. 48.)

Les empiristes pourront donc, semble-t-il, se contenter du traité de de paix que leur offre M. Goetz Martius : « Déjà Mill, indirectement, a reconnu que l’esprit a besoin d’un premier fonds à priori. » (P. 43.) Et, en effet, on ne trouverait pas aisément un seul point essentiel où M. Goetz Martius ne donne satisfaction à ces philosophes. Comme eux, il réduit, en pratique, l’esprit au rôle d’appareil enregistreur. Avec eux, et même avec le plus hardi d’entre eux. Hume, il rejette les prétentions de ces sciences qui croient pouvoir imposer à priori des conditions à la réalité et fixer les principes généraux de toute explication expérimentale des faits. Avec eux, il soumet nos conceptions de la nature à une transformation perpétuelle et réduit la science à une instabilité