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nolen. — les maîtres de kant

leurs pouvoirs extraordinaires serait de s’exercer en dehors et à rencontre de ces règles. Un tel privilège échappe à toute vérification expérimentale. On objectera peut-être que la bonne foi de Swedenborg ne saurait être révoquée en doute. Mais ne faut-il pas tenir compte des illusions d’une imagination malade ? Et comment prétendre qu’un seul homme pourrait avoir du vrai une intuition qui serait refusée à tous les autres ? N’est-ce pas le propre des visions de l’imagination malade, comme de celles du rêve, qu’elles ne s’accordent pas avec les perceptions du grand nombre, qu’elles choquent l’entendement général ou le sens commun ? Nous n’avons pas d’autre règle pour distinguer le vrai du faux ; et le déterminisme mécanique ne fait que formuler les lois qui permettent ce contrôle réciproque des jugements humains, qui rendent possible, en d autres termes, la commune expérience. Les métaphysiciens, avec les fantaisies individuelles où ils se complaisent, en dehors de toute vérification sensible, sont comme les rêveurs ou les fous, qui croient à la réalité du monde imaginaire, où leur conscience vit isolée de toutes les autres.


Après avoir affirmé la méthode nouvelle des recherches métaphysiques et montré l’inanité de l’ancienne méthode, Kant va poursuivre sans trêve la vérité métaphysique, dont il se déclare « d’autant plus épris quelle lui refuse plus obstinément ses faveurs ». Le problème de l’espace et du temps occupe ses premiers efforts : quoi de plus naturel de la part d’un disciple de Newton, qui ne concevait la physique expérimentale qu’éclairée par les mathématiques ?

Dès 1758, dans un petit essai : Nouvelle théorie du mouvement et du repos, et conséquences qui en dérivent par rapport aux premiers principes de la physique, il avait soutenu, dans le sens de Newton, la distinction du mouvement relatif et du mouvement absolu. Le premier varie comme la position du spectateur ; le second est indépendant de notre point de vue, comme l’espace absolu où il s’accomplit.

Kant revient sur le même sujet en 1768 dans le Premier fondement de la distinction des lieux dans l’espace. Le but de ce travail « est de rechercher si dans nos jugements intuitifs sur l’étendue, comme ceux que présente la géométrie, on ne trouve pas une preuve évidente que l’espace absolu est indépendant de l’existence de toute matière, et que même, comme le premier fondement sur lequel repose la réalité des combinaisons de cette dernière, il a sa réalité propre. » Les principes de la géométrie newtonienne, qui reposent sur l’affirmation et la croyance à la réalité de l’espace