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analyses.girard de rialle. Mythologie comparée.

une disposition qui permet de les retrouver sans grand’peine. Ces faits sont groupés avec simplicité, sous des rubriques faciles ; la méthode qui a présidé à leur classement est sage. Ils ont le très-grand mérite de n’être pas défigurés au profit d’une thèse inacceptable. C’est, en un mot, une très-estimable contribution à une étude, beaucoup trop négligée parmi nous, celle des manifestations de la pensée religieuse dans les différents temps et dans les différents peuples. Nous verrons donc paraître avec un réel intérêt le second volume d’une œuvre destinée à répandre des connaissances utiles dans un public étendu.

Cela dit, nous devons reconnaître que l’ouvrage de M. Girard de Rialle, en dépit de ses très-sérieuses qualités et de la confiance que ses procédés nous inspirent dans l’exactitude de ses renseignements, ne répond pas aux conditions d’une œuvre strictement scientifique. Ce n’est pas un travail d’ensemble, et c’est encore moins un résumé : en réalité, c’est un extrait. Ce sont les cartons d’un compilateur laborieux et patient que l’on vide devant nous, après y avoir introduit cinq ou six grandes divisions, plutôt artificielles que réelles. Ces faits divers sont réunis par un fil ténu, que viennent interrompre de temps en temps quelques réflexions intéressantes. D’autre part, aucune note, aucun renvoi aux sources. Sans doute cela eût surchargé une œuvre pour laquelle l’appareil de l’érudition n’était pas fait. Mais M. Girard ne demandera pas non plus que l’on cite son livre comme une autorité, quand nous ne savons pas où il a lui-même puisé. Voilà le grand inconvénient d’une œuvre, très-recommandable d’ailleurs, de vulgarisation, quand la littérature scientifique du sujet n’existe pas. Elle a l’apparence de combler une lacune, elle fournit d’utiles indications, elle se lit avec un vif intérêt, mais on n’y sent pas un sol résistant où l’esprit se repose avec assurance. A ce point de vue, l’auteur aurait beaucoup mieux servi la cause des études d’histoire religieuse en se bornant à dégager deux ou trois types de fétichisme et en les entourant cette fois de toutes les ressources des méthodes critiques. M. Girard de Rialle aurait pu également prendre un point de croyance spécial et l’élucider complètement : ainsi cette opinion sur la survivance de l’âme chez l’homme et les animaux, dont il nous a montré l’importance par une série de renseignements curieux. Un essai encyclopédique comme le sien aurait dû, à défaut de la discussion des faits, tout au moins être relevé par une pensée philosophique un peu forte, au lieu que les considérations générales de ce livre, souvent justes, parfois ingénieuses, sont présentées avec mollesse et sans relief, et succombent d’ailleurs sous l’abondance des faits. Dans le second volume, où fauteur se mouvra en grande partie sur le terrain historique, nous voudrions le voir plus maître de son sujet. Nous ne nous contenterons pas non plus de cette absence de références aux sources, que l’on peut excuser à la rigueur en matière de fétichisme, mais qui ne serait pas admissible sur le terrain des religions sémitiques et de la mythologie indo-européenne.

Maurice Vernes.