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chisme qu’il se proposait de passer en revue. Il nous donne, en conséquence, deux exemples d’ensemble de religions félichiques, l’un emprunté aux Cafres, qui représentent le fétichisme tel qu’il apparaît dans la majeure partie des peuples demeurés à cette période de l’évolution, l’autre à la Chine. Une sorte d’appendice expose quelques faits relatifs à la survivance du fétichisme dans certains peuples civilisés. M. Girard y range l’étrange engouement que des personnes, d’une instruction relative, ont manifesté récemment pour les théories du spiritisme, qui n’est qu’une résurrection des grossières conceptions de l’animisme fétichique.

Nous voyons donc la matière animée, douée de volonté et de passion, se transformer à laide de la croyance aux esprits et aboutir au polythéisme, c’est-à-dire à la foi en des êtres supérieurs, distincts de la nature dont ils sont les régents. D’après M. Girard de Rialle, deux phénomènes moraux ont présidé à ce changement : d’une part, la croyance aux esprits, comme il vient d’être dit ; de l’autre, une sorte de syncrétisme qui, condensant les fétiches de divers objets de même espèce, en a fait un seul être, lequel n’anime plus ces objets en eux-mêmes, mais les gouverne et règne sur eux. Exemple : « La montagne, énorme, majestueuse, imposante, animée autrefois d’une vie propre, a vu s’enfuir de son sein cet esprit qui ne faisait qu’un avec elle ; mais celui-ci ne l’a pas abandonnée pour cela : il a pris un corps, il est devenu un agent extérieur qui ne se plaît que sur les flancs, dans les ravins de la montagne, dont il est encore la personnification extérieure, le génie, le dieu. » Le polythéisme est ainsi une sorte de classification des mille objets qui composent l’univers. Tant que la nature est considérée comme une ensemble d’êtres multiples, tous vivants, tous passionnés et capricieux, nulle possibilité n’existait d’établir la moindre loi générale, d’extraire des faits la moindre explication. « Tout ce qui se passait était dû à la fantaisie de tel ou tel objet animé et volontaire. » Lorsque l’homme en vint à concevoir ces phénomènes, non plus comme les manifestations incohérentes de volontés déréglées, mais comme l’expression de desseins arrêtés par des intelligences supérieures et extérieures aux choses elles-mêmes, il s’appliqua à rechercher ces lois qui, quoiqu’elles pussent être troublées par les caprices des dieux, présentaient pourtant un caractère sérieux de régularité.

Les chapitres consacrés au polythéisme, dans la seconde partie de ce volume, traitent de la mythologie du Pérou, de celle du Cundinamarca, vaste plateau actuellement rattaché à la Colombie, de l’Amérique centrale et du Mexique. M. Girard y reproduit la substance de travaux généralement peu connus en France : ceux de J.-G. Müller dans son Histoire des religions primitives de l’Amérique, de Herbert Spencer dans un des fascicules de sa Sociologie descriptive, de H. Bancroft dans ses Native races of the Pacific States.

Ce que nous avons dit du premier volume de l’œuvre de M. Girard de Rialle montre l’estime dans laquelle nous tenons cette entreprise. Il y a là un très-grand nombre de faits réunis sous un court volume, en