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reux examen la thèse de M. Avenarius et de plusieurs autres critiques modernes. M. Janet, non plus, ne l’admet pas sans réserve.

Il fait remarquer que le traité n’est pas écrit sous forme géométrique, ce qui dément l’opinion banale que la méthode dans Spinoza a fait le système ; et qu’il ne commence pas comme l’Éthique par la théorie de la substance, ce qui prouve que le spinozisme n’est pas non plus là tout entier, comme on l’a trop légèrement répété. « Le spinozisme, conclut judicieusement M. Janet, ne tient donc ni à telle définition, ni à telle méthode : il a été conçu, comme tous les systèmes, d’un seul jet et a priori, et Spinoza en a cherché ensuite la démonstration. »

Le traité se divise en deux parties, qui s’occupent, comme le titre l’indique, la première de Dieu, la seconde de l’homme. La première traite de l’existence de Dieu, puis de son essence, et enfin de ses rapports avec le monde.

Les preuves de l’existence de Dieu sont celles de Descartes : l’argument ontologique ou a priori, tiré de la nature de l’idée du parfait, et la preuve cartésienne, a posteriori, tirée de la présence de cette idée en nous. Le premier argument, qui prend dans l’Éthique et surtout dans une lettre de Spinoza une forme originale, assez voisine de celle qu’il revêt dans la Critique de Kant[1], est ici purement cartésien. Quant au second, l’exposition en est fort obscure. Spinoza s’embarrasse dans la démonstration du principe cartésien que la réalité de l’objet doit répondre à celle de l’idée. Il a recours au principe de raison suffisante, ce qui montre qu’il n’a pas encore ici, dans l’expression tout au moins, conscience de son idéalisme. Suivant toujours la voie de Descartes, il établit ensuite que l’idée de Dieu n’est pas une création de l’esprit humain, ce qui l’amène à donner en passant la preuve par les vérités éternelles supposant un sujet éternel. On voit que cette première partie n’est ni ordonnée ni originale, et qu’elle manifeste clairement, M. Janet en fait avec raison la remarque, l’influence cartésienne.

M. Janet accuse non moins justement le vice de méthode qui consiste à mettre la théorie de l’essence de Dieu après celle de son existence, qui en dépend. L’Éthique réparera la faute. Remarquons les quatre propositions suivantes, qui sont déjà toute la métaphysique spinoziste :

1o Il n’y a pas de substance finie, mais toute substance doit être infiniment parfaite en son genre, c’est-à-dire que nulle substance ne peut être plus parfaite dans l’entendement divin qu’elle ne l’est dans la nature.

2o Il n’y a pas deux substances égales.

3o Une substance ne peut en produire une autre.

4o Il n’y a pas de substance dans l’intellect infini de Dieu, autre que celle qui existe formellement dans la nature.

  1. L’affirmation du summum ens impliquée, en apparence au moins, dans toute affirmation particulière, c’est-à-dire Dieu, condition de la pensée.