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et automatique ; elle est à son minimum lorsque l’acte est tout à fait automatique et s’accomplit inconsciemment. Ici, je puis invoquer toutes les recherches connues sur la durée des actes psychiques, et je puis aussi y ajouter, comme une goutte de pluie à l’Océan, quelques expériences qui me sont propres. Je voulais constater sur l’homme que les réactions automatiques inconscientes sont réellement beaucoup plus rapides que les réactions conscientes volontaires les plus simples ; c’est un fait d’expérience quotidienne ; mais il était bon de préciser la vitesse relative des deux espèces de réaction. J’ai longtemps cherché la méthode, car il n’est pas facile d’avoir des réactions automatiques enregistrables chez l’homme ; enfin l’idée me vint d’utiliser dans ce but les cors aux pieds. Je ne décrirai pas ici les détails techniques de mes expériences ; il suffit de dire que le sujet devait retirer la main et le pied, avec la ferme volonté de les retirer simultanément, à l’instant même où il percevait la sensation tactile que je produisais en touchant légèrement son cou-de-pied. Après avoir bien établi que, sauf les premiers essais, toujours incertains, l’individu retire régulièrement la main avant le pied, je frappais, sans l’avertir, un petit coup sec sur un cor douloureux : le pied se retirait alors avant la main, à tel point que souvent l’individu pouvait lui-même constater que, au moment où il retirait volontairement et consciemment la main, son pied s’était déjà depuis longtemps retiré tout seul, c’est-à-dire involontairement et inconsciemment. Voici deux exemples : 1o Simple attouchement du cou-de-pied : la main précède le pied de 0″,037 (trois fois de suite) ; attouchement d’un cor douloureux : la main ne précède plus que de 0″,025 (deux fois) ; coup sec et inattendu sur le cor : le pied précède la main de 0″100. — 2o Simple attouchement d’un cor douloureux : la main précède de 0″,050 (trois fois), légère chiquenaude sur le cor ; le pied précède de 0″,050 ; coup sec sur le cor : le pied précède de 0″,125.

Ainsi, les actes automatiques sont caractérisés, comme je le disais tout à l’heure, par le peu de désorganisation et de calorification qui les accompagne, et surtout par la rapidité de leur accomplissement. D’où la deuxième partie de ma formule : « L’intensité de la conscience est en rapport inverse de la facilité et de la rapidité de la transmission centrale. »

Il faudrait écrire un volume pour exposer amplement toutes les preuves, que je ne fais qu’effleurer ici ; j’espère néanmoins que ce qui précède suffit pour montrer qu’il existe déjà un nombre très-considérable d’expériences sur lesquelles repose ma « loi physique de la conscience », et que toutes les recherches que nous possédons sur la quantité des produits de décomposition qui résultent du travail intellectuel, sur la durée des actes psychiques et sur la calorification centrale, envisagées de ce point de vue, forment un tout homogène et parlent unanimement en faveur de ma thèse.

Votre bien dévoué,
A. Herzen.
Florence, 16 mai 1879.