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Pour répondre à cette première question, il n’y a point d’expérience possible ; seule, l’observation peut nous guider ; mais elle nous guide sûrement, et parle si clair, qu’il n’y a pas à s’y tromper : l’intégration et la réintégration des centres nerveux sont absolument inconscientes. Nul n’a conscience du développement embryonnaire de son cerveau, ni de l’apparition ou de l’évolution de ses organes cérébraux, qui procède à son insu, comme sa croissance, comme la nutrition de ses muscles et de ses os. Une fois développés, les éléments centraux sont ébranlés par les impressions incidentes et entrent en activité ; l’activité désintègre l’organe central et le fatigue ; la fatigue est la mesure de la décomposition fonctionnelle ; le sommeil pendant lequel il se réintègre le repose ; l’état de fraîcheur qui en résulte est la mesure de la réparation accomplie. Or nous sommes conscients à l’état de veille, inconscients quand nous dormons profondément ; voilà une première indication, très-grossière, du lien qui unit la conscience à la désorganisation. J’ai tâché de montrer que cette intermittence subsiste dans chaque acte central pris isolément ; les éléments centraux qui travaillent pendant que je pense à une expérience, qui se décomposent et produisent en moi la conscience de ce qui m’occupe, cessent de travailler lorsque je vais me promener : ils dorment alors, ils se reposent ou se réintègrent, et ne produisent aucune conscience ; et ainsi de suite, jusque dans les plus menus détails de la vie psychique. Ainsi, la conscience est liée à la phase désintégrative des actes nerveux centraux.

Cela posé, vient la seconde question : Est-ce que toute désintégration est consciente ? Évidemment non, puisque les actes automatiques sont inconscients, quoiqu’ils soient, eux aussi, accompagnés de désorganisation. Mais l’observation démontre que, toujours et partout, les actes qui fatiguent le plus, qui donnent, en d’autres termes, la plus grande quantité de produits de décomposition, qui, en un mot, désintègrent le plus, sont les moins automatiques, les plus conscients, et que, au contraire, les actes qui fatiguent le moins, ceux qui s’accomplissent avec le minimum de décomposition fonctionnelle, sont justement les moins conscients, les plus automatiques. Il paraît donc que la désintégration ne produit la conscience que lorsqu’elle a une certaine intensité.

Ici, l’expérience devient possible, guidée et illuminée, bien entendu, par le contrôle indispensable de l’observation interne. Si nous ne possédions pas déjà les superbes recherches des physiologistes les plus distingués sur la durée des actes psychiques et sur la calorification centrale, j’aurais dû les entreprendre pour donner à ma thèse le baptême expérimental et pour l’entourer d’une forteresse de preuves écrasantes. J’aurais, sans doute, complètement échoué dans une telle entreprise ; mais fort heureusement ces recherches existent, et ont d’autant plus de valeur qu’elles ont été faites sans aucune idée préconçue, relativement à la conclusion qui nous occupe dans ce moment.

Tout acte central est nécessairement lié à la production d’une certaine quantité de chaleur ; la chaleur produite est une des expressions