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cette critique si nette, si sûre et si sage. Il y joint un rare talent d’exposition, un style toujours clair, toujours français, sans rien perdre en précision et en rigueur scientifique. Nous nous joindrons à lui, en terminant, pour féliciter M. Vincenzo di Giovanni de son excellente histoire, qui a mis en lumière toute une école que nous ne connaissions pas et qui nous montre, malgré quelques exagérations fort respectables de patriotisme local, que la Sicile tient une place considérable dans l’histoire de la philosophie en Italie[1].

Francisque Bouillier
(de l’Institut).

E. Maillet. — De l’essence des passions, étude psychologique et morale. 1 vol. in-8°, 433 pages. Paris, Hachette, 1877.

Dans une préface intéressante, M. Maillet fait connaître l’intention générale et l’esprit de son livre, qui est un essai de conciliation entre les hypothèses nouvelles de l’association et de l’évolution, et les doctrines spiritualistes. Nous lui accorderons volontiers la possibilité logique de maintenir le déisme, et même d’agrandir l’idée de Dieu dans l’hypothèse d’une nature toujours en mouvement, qui progresse et qui évolue sous la direction de la finalité infinie. Descartes disait déjà : « La nature des choses matérielles est bien plus aisée à concevoir, lorsqu’on les voit naître peu à peu, que lorsqu’on ne les considère que toutes faites ; » et M. Maillet a raison d’ajouter qu’il est plus digne de Dieu d’avoir créé le monde par évolution que par fabrication. Mais la conciliation est moins aisée peut-être sur le terrain de la psychologie que dans le domaine des questions métaphysiques. L’idée d’une âme indépendante, distincte de l’organisme qu’elle dirige, s’adapte moins que l’idée de Dieu aux conclusions des systèmes qui, considérant l’association ou la transformation comme la loi suprême des choses, sont logiquement conduits à subordonner le moral au physique, le supérieur à l’inférieur.

Quoi qu’il en soit de ces tendances générales, le but particulier de M. Maillet a été de tenter pour les passions ce que d’autres psychologues français ont fait avec succès depuis une vingtaine d’années pour l’association des idées, pour la mémoire, pour la conscience, pour l’imagination : une monographie psychologique qui puisse servir d’élément et de contribution à l’histoire définitive de l’âme humaine, de même que les monographies historiques des villes et des provinces servent de préparation à la grande histoire nationale. Seulement les passions se prêtent moins que d’autres facultés à cette étude cir-

  1. Nous n’avons pu parler de tous les philosophes siliciens dont il est question dans l’ouvrage de M. Franck. Une des omissions que nous regrettons le plus est celle du P. Giuseppe Romano dont M. Vincenzo di Giovanni vient de faire l’éloge devant l’Académie de Palerme. Cet éloge nous arrive trop tard pour que nous ayons pu le mettre à profit dans cet article.