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analyses.franck. Philosophes français et étrangers.

on ne peut pas ne pas rendre justice à ce puissant, ingénieux et sincère effort pour concilier la philosophie et la théologie, ainsi que l’a fait M. Ferraz dans son Histoire de la philosophie du xviiie siècle, sans avoir d’ailleurs plus de goût que M. Franck lui-même, pour toutes ces hardies transmigrations à travers les astres.

Voilà pour la philosophie française. La part de l’Allemagne, c’est le dernier, le plus à la mode de ses systèmes, la philosophie de l’inconscient de Hartmann. Dans son excellent livre sur le pessimisme, M. Caro a surtout considéré par le côté moral la doctrine de Hartmann et de son maître Schopenhauer ; M. Franck, dans une suite d’articles qui déjà avaient été fort remarqués dans le Journal des Savants, examine le système tout entier et tout en rendant justice aux qualités qui ont fait le succès du livre, au mérite, à l’intérêt, à la richesse de certains détails, à l’originalité de certaines vues, il accable avec sa logique et son bon sens l’ensemble du système, les principes et les conséquences, les plus répugnantes à notre nature, auxquelles ait jamais abouti un philosophe, au moins depuis cet Hégésias d’Alexandrie, surnommé πεισιθάνατος, comme Schopenhauer et même Hartmann, auraient bien mérité de l’être. Mais, pour laisser de côté le Nirvana bouddhiste, le nihilisme, le renoncement volontaire à perpétuer le mal en perpétuant l’espèce, la fin du monde par le libre consentement de l’humanité, tout n’est pas aussi neuf qu’il semblerait au premier abord dans cette singulière doctrine. Sous ce nom nouveau d’inconscient, on reconnaît la nature des anciens et particulièrement de Lucrèce, la nature des philosophes du xviiie siècle et parcutièrement de Diderot, la nature vivante et animée poursuivant aveuglément ses fins, mêlée à toutes choses et produisant toutes choses, depuis le minéral jusqu’à l’homme. Ce qui appartient en propre à Hartmann, c’est la prétention d’entrer plus avant avec l’inconscient dans le fond et dans l’explication de toutes choses, de la pensée elle-même. Pour perfectionner le système de son maître Schopenhauer, il imagine d’ajouter à la volonté inconsciente, qui en est le principe unique, un autre élément, l’idée, non moins inconsciente d’ailleurs que la volonté elle-même. Cette volonté inconsciente et cette idée inconsciente réunies en un seul principe, voilà, dit Hartmann, ce que j’appelle l’inconscient. On ne peut analyser avec plus de clarté ni signaler avec plus de sagacité et de force que M. Franck les endroits faibles, les incohérences, les contradictions, soit de la phénoménologie, soit de la métaphysique de l’inconscient. Dans l’impossibilité de reproduire en entier cette analyse et cette critique, nous sommes obligés de nous borner à quelques points particuliers. Pour prendre d’abord la volonté telle que l’entend Hartmann, et qui est une des deux bases de son système, M. Franck, qui n’aime pas qu’on abuse des mots, déclare qu’une volonté qui s’ignore, qu’une volonté inconsciente, n’est pas une volonté. La volonté n’existe pas sans la conscience de vouloir et sans la conscience de ce qu’on veut. Cependant M. Hartmann est obligé d’expliquer comment la conscience, qui est un fait, sort des deux