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straszewski. — herbart, sa vie et sa philosophie.

de la volonté posé ainsi qu’il l’a été par Herbart, cesse d’être psychologique et devient un problème éthique, vu que la liberté n’est pas, selon lui, une faculté psychique, mais un état de l’âme auquel nous avons tous le droit de parvenir au moyen d’une certaine perfection morale. La liberté, ajoute-t-il, ne consiste pas dans une indépendance complète de toute influence, mais dans une dépendance plus ou moins exclusive d’influences purement intérieures ; elle est, en un mot, une véritable liberté spirituelle de l’individu.

Nous n’avons pas épuisé la liste de tous les mérites de ce grand penseur. Il a rendu aussi des services considérables à la pédagogie et à la philosophie sociale, auxquelles il a imprimé une direction nouvelle et où il a dévoilé des horizons jusque-là inconnus. Il les unit étroitement toutes deux à la psychologie, et, après avoir indiqué cette science comme base véritable et sûre de leurs recherches, il charge la philosophie morale d’en régler le but. Cette subordination de la pédagogie et de la philosophie sociale à des principes psychologiques et éthiques constitue une réforme complète. De plus, ce que n’a pas remarqué Drobisch, dans la philosophie sociale, l’individu est l’objet principal des considérations de Herbart ; le perfectionnement, la sécurité, les droits de l’individu en un mot, voilà ce qu’il indique comme but suprême de l’État et de son organisation. Sur ce point encore, comme sur tant d’autres, Herbart est l’adversaire implacable de Hegel, qui avait sacrifié l’individu à l’État, la partie au tout. — Il suffit enfin de se rappeler l’impulsion puissante donnée par l’école de Herbart aux recherches pédagogiques et sociales pour comprendre la portée véritable de ces réformes.

Voilà sous quel aspect se présentent la position historique et les mérites philosophiques de Herbart. L’exposé que nous venons de faire a pu convaincre nos lecteurs que c’était un penseur d’un esprit universel, vigoureux et puissant. Ses recherches se présentent sous des couleurs moins brillantes que celles de Schelling ou de Hegel ; mais gardons-nous bien d’oublier qu’elles sont empreintes d’un caractère complètement différent. Méconnu de ses contemporains, il sera apprécié de la postérité. L’influence de ses doctrines grandira à mesure qu’elles s’affranchiront des liens scolaires, qui les ont longtemps entravées et qu’elles se développeront librement. Lorsque la philosophie de Herbart aura cessé d’être la philosophie d’une école et qu’elle sera considérée comme la plus saine et la plus vive de toutes les semences qui sont tombées, après Kant, sur le terrain de la spéculation, alors certes, cette semence produira une moisson plus abondante.

Maurice Straszewski.