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straszewski. — herbart, sa vie et sa philosophie.

Lagrange, parmi les faits de la nature, ceux qui sont les plus simples, pour en faire la base de son raisonnement. La première de ces directions, c’est-à-dire celle qui a pris les idées pour point de départ, forme dès le commencement des systèmes achevés, embrassant la totalité de l’univers : ce qui lui est facile par ses prémisses mêmes et par sa méthode déductive. — La seconde, dont l’Italie a été le berceau et dont la réalité extérieure est le point de départ, rassemble d’abord les matériaux nécessaires, et s’orientant peu à peu parmi les phénomènes de la nature, considérés comme faits primitifs de l’expérience, organise et classe ensuite ces matériaux recueillis en différentes branches du savoir naturel ; en un mot, elle pose les assises des sciences physiques. Ce ne sera que plus tard, qu’elle donnera naissance à une philosophie nouvelle, qui revêtira au xviiie siècle un caractère distinct et fortement accentué. Tandis qu’elle s’efforce au moyen d’une analyse critique de l’esprit humain d’ébranler les fondements de la spéculation à priori, et prend vis-à-vis de la métaphysique une attitude sceptique et malveillante, — ce qui se manifeste au mieux dans la philosophie de Hume, — elle tâche d’un autre côté d’unir son savoir positif en un tout systématique et de parvenir à une conception générale du monde, fondée exclusivement sur des faits constatés par l’expérience. L’introduction à la grande Encyclopédie écrite par d’Alembert est la plus fidèle expression de cette tendance.

Attaquée par la philosophie empirique, la seconde direction dut songer à se défendre. Elle ne pouvait le faire qu’en suivant la même voie que son adversaire, c’est-à-dire en soumettant à une analyse aussi subtile, aussi exacte que la sienne, les facultés intellectuelles de l’homme et les fondements de notre savoir. Elle fut contrainte de prouver qu’il y a réellement dans notre intellect quelque chose d’à priori, qui sert en même temps de point de départ à la philosophie spéculative. Ce fut Kant qui s’en chargea.

Ses recherches critiques ont pour but de montrer ce qu’il y a d’à priori dans notre esprit et ce qui ne peut être conquis pour notre savoir que par voie de raisonnement à priori. Cependant les résultats auxquels il est parvenu sont équivoques et partiels. Il sauve en apparence la spéculation déductive, en prouvant l’existence réelle d’un élément à priori dans notre savoir comme base de sa forme et de son organisation ; mais, d’une autre part, il limite le savoir à priori aux phénomènes de l’expérience et pose une définition de la chose en soi tellement ambiguë, qu’il est impossible de savoir au juste non-seulement ce qu’elle est, mais si elle existe même en général. De cette manière, toute réalité n’est une réalité que dans