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indépendamment du profit qui en résulte. Toutefois, la forme adaptée par Kant à la suprême loi morale, la forme de l’impératif catégorique, déplaît à Herbart ; il le remplace par ses modèles éthiques ou idées pratiques, qui deviennent une sorte de règlement pour la volonté, en lui fournissant un savoir pratique conforme à ce but. En outre, Kant avait insisté fortement sur l’idée du devoir, sur ce qui est moralement élevé, mais il avait complètement perdu de vue la beauté morale. L’éthique de Kant n’est pas dépourvue d’énergie et de vigueur, mais elle ne nous montre pas sous un jour véritable la perfection morale et la pure compassion éthique.

Ici se présente de nouveau pour Herbart l’occasion de compléter le maître. Il s’en acquitte en reconnaissant dans la vertu non-seulement ce qui est élevé, mais aussi ce qui est beau. Il diffère même entièrement de Kant en un point : Kant est un indéterministe outré, ce qui fait qu’il attribue à l’homme une liberté transcendante à part, et distingue en lui pour ainsi dire deux êtres : l’un empirique, l’autre intellectuel. Cette liberté transcendante, se dictant des lois à soi-même, forme la base de la liberté morale. Kant a donc posé le principe de l’autonomie de la volonté chez l’homme. Herbart s’y oppose, en démontrant que la volonté ne peut se diriger elle-même, mais qu’elle doit l’être toujours par un savoir conforme ; il ajoute que la liberté serait impossible sans une direction pareille. Herbart remplace donc l’autonomie de la volonté par celle de la personne, et la liberté transcendante par la liberté morale intérieure, consistant dans l’accord de la volonté avec l’entendement. Cette liberté, toutefois, n’est pas un fait, elle n’est qu’une idée, une tâche à remplir. Herbart est donc un déterministe achevé, acceptant la dépendance de la volonté des causes intérieures ; mais son déterminisme ne se laisse concilier avec aucune forme de matérialisme ou de panthéisme. Herbart est dans sa philosophie morale aussi franchement idéaliste qu’il est réaliste dans sa métaphysique.

Ce caractère idéaliste s’accentue surtout dans l’application des principes éthiques à la théorie de l’État et à celle de l’éducation. Le but de cette dernière est la formation de caractères moraux nobles et vigoureux. Selon Herbart, la morale seule peut indiquer à la pédagogie ce but élevé ; mais c’est la psychologie qui lui fournit les moyens nécessaires pour y parvenir. Le principe de l’éducation par l’enseignement, voilà l’idée fondamentale de sa pédagogie.

Dans la théorie de l’État, Herbart distingue clairement entre la nature de celui-ci et son modèle éthique. L État, dit-il, est une société gardée par la force ; mais les forces actives de l’État sont psychologiques : de là la possibilité d’introduire dans la science sociale une