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straszewski. — herbart, sa vie et sa philosophie.

atteint jusqu’à la base, et aperçoit finalement que le principe fondamental de l’idéalisme, c’est-à-dire l’idée du moi, est absolu seulement en apparence et n’est qu’un point de départ, nécessaire à toute spéculation. Comme principe de l’Être, le moi renferme des contradictions qui le rendent impossible. Herbart se décide donc à rompre complètement avec l’idéalisme.

Cette rupture se manifeste plus visiblement encore dans le traité écrit en Suisse, que Böhlendorf appelle « le Système de Herbart[1] ». Les arguments de Fichte ne l’ont pas convaincu ; leurs relations personnelles ont cessé après son départ de Iéna, et Herbart se nomme lui-même un grand hérétique vis-à-vis de Fichte[2]. « Une nécessité intérieure, écrit-il, me pousse au delà de tous les systèmes contemporains, sans en excepter celui de Fichte et de Kant[3] ! » Dans « le premier Essai problématique de la science du savoir » se dessinent déjà, en effet, les principaux contours de son prochain système. Nous y voyons par exemple le cercle vicieux et infini de l’idée du moi non seulement dévoilé, mais sévèrement jugé. Il ne considère pas le moi comme quelque chose de primitif, mais comme ce dernier gradin qu’on ne peut atteindre sans avoir gravi toute une longue échelle. La conscience est ici, à vrai dire, un point de départ, mais seulement en qualité de problème. Afin de pouvoir écarter les contradictions qui se trouvent dans le moi, il faut, dit-il, admettre un non-moi primitif, distinct, varié et variable. C’est bien le commencement d’un véritable réalisme critique qui naît sur les débris de l’idéalisme transcendant — De la conception d’une réalité du non-moi opposée à celle du moi résultent, chez Herbart, les idées de l’Être et de l’Esprit ; plus loin, sous la forme d’une représentation, le principe de la résistance de l’Esprit vis-à-vis de l’action du non-moi, et enfin le désir de déterminer l’intensité de cette résistance.

Nous voyons donc apparaître ici pour la première fois la quantité et la mesure psychiques, qui le mèneront sous l’influence de la théorie de l’harmonie à la conception d’une psychologie mathématique. Voilà comment se sont développés les principes de Herbart, que nous retrouverons complètement mûris dans ses thèses écrites en 1802, qui terminent l’époque de transition et inaugurent en même temps son activité virile. Ce qui est une chose caractéristique, c’est qu’elles sont le premier écrit qui ait été publié par Herbart lui-même, tandis que la formation successive de ses pensées est restée longtemps un mystère. C’est de cette manière que le pro-

  1. Perioden, etc., p. 45.
  2. Périoden, etc., p 44.
  3. Perioden, etc., p. 45.