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mental et leur conception du moi sont acceptés sans restriction, comme axiomes absolus ne souffrant pas la moinilre critique. Il fallait donc bien se garder, pour rester fidèle à Fichte, de sonder l’origine de son premier principe, car cette recherche nous en éloigne déjà. Non-seulement Herbart n’évite pas ce péril, mais il va au-devant de lui ; il essaye même de pénétrer plus profondément dans le mystère et parvient à découvrir, dans l’idée du moi, les traces d’une première synthèse ; il aperçoit déjà en elle le cercle infini. Les apparences de cette seconde dissertation de Herbart sont donc trompeuses ; l’accord avec Fichte n’y est que formel ; au fond, la rupture est prête, et la différence qui l’en séparait dans la première a augmenté encore. Les pensées du jeune homme ont visiblement mûri ; son jugement s’est formé. Cependant il est encore un adepte de Fichte. Le cercle infini dans l’idée du moi ne semble pas l’irriter, mais il commence déjà à l’observer, à l’analyser et d’ici à un abandon complet du maître, il n’y a qu’un pas. Bientôt en effet leurs chemins se séparent entièrement, et mille détails de ce système tant admiré ne lui conviennent plus.

Zimmerman a recueilli différents faits qui prouvent que c’est dans l’été de l’année 1796 que s’est accompli un changement définitif dans l’attitude de Herbart vis-à-vis de Fichte[1]. Nous l’y voyons en proie à des incertitudes toujours croissantes. Tantôt c’est sa théorie de la liberté, tantôt celle de l’espace qu’il attaque ; une autre fois c’est sa théorie du droit matrimonial qu’il trouve « sehr sonderbar » ; arrive même le moment où il se permet de dire que pas une seule page de la nouvelle édition de la Wissenschaftslehre n’a de valeur réelle et durable. Mais, pour que ces faits nous paraissent clairs et naturels, il faut comprendre la portée des remarques sur Rist. L’analyse du premier principe de Fitche avait eu pour résultat de le tirer de « ce rêve dogmatique » dans lequel il était encore plongé, et les premières traces de cette analyse se trouvent précisément dans ces remarques. C’est comme le grondement étouffé de cette révolution qui éclatera subitement dans la critique des œuvres de Schelling.

Il nous sera plus facile de comprendre, après ce qui a été dit, comment ces deux travaux philosophiques ont pu se suivre de si près, malgré cette différence apparente dans leur attitude vis-à-vis de Fichte. Les observations sur Schelling aussi bien que le traité écrit en Suisse appartiennent déjà à l’époque de transition.

La critique des idées de Schelling a été occasionnée par les premières œuvres de cet illustre penseur. Le jeune Schelling, à peine

  1. Perioden, etc, p. 19 et 20.