Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/642

Cette page n’a pas encore été corrigée
636
revue philosophique

fondement dans l’esprit des jeunes filles grandissantes que la mission de leur sexe ne peut être remplie que dans la situation d’épouse et de mère, qu’elle ne consiste pas en autre chose que dans la génération et l’éducation des enfants, que la femme la plus digne et la plus respectable est celle qui donne à son pays le plus grand nombre d’enfants bien élevés[1], et que toutes les prétendues éducations professionnelles des jeunes filles ne sont qu’un triste succédané pour celles qui ont eu le malheur de manquer leur vraie vocation. Une jeune fille qui refuse de se marier pour ne pas remplir les devoirs d’épouse et de mère, ressemble à un jeune homme qui tourne le dos à son pays pour n’avoir pas à prendre part à sa défense. » (699.)

Il n’est pas facile de faire pénétrer ces idées dans l’intelligence des femmes, plus accessibles aux inspirations du sentiment qu’aux leçons de la raison. Aussi faut-il que l’histoire de la civilisation sous sa forme la plus attrayante, l’histoire des arts et des idées dans l’humanité, fasse le fond de l’instruction supérieure des filles, à moins qu’on ne veuille les tenir à jamais « dans les langes de l’hétéronomie ». On voit par là combien nos éducateurs ont fait fausse route jusqu’à présent. Non contents d’imposer aux garçons un travail de jour en jour plus accablant, qui épuise et dessèche leur intelligence avant leur entrée dans la vie, ils ont prétendu faire accepter la même tyrannie aux jeunes filles. Or la prolongation du séjour dans les écoles, l’augmentation des heures de classe, la fatigue du cerveau qui l’accompagne, n’ont d’autre effet que de diminuer le nombre des mariages dans les rangs supérieurs de la société. On devrait se souvenir que l’organisme de la femme ne supporte pas un pareil régime : ses ressorts délicats s’usent par un fonctionnement prématuré et excessif. Actuellement, les femmes n’emportent des écoles qu’une demi-science ambitieuse, des prétentions insatiables au luxe et au bien-être et — la stérilité. Un enseignement ridicule étouffe l’originalité au heu de la féconder ; on trouve beaucoup de bas bleus, peu de femmes de sens ou d’esprit. Elles savent bavarder dans plusieurs langues modernes, — exercice à peu près aussi profitable pour le développement intellectuel que le caquet des perroquets ; — quelques morceaux de piano, deux ou trois romances, parfois une certaine adresse de main pour l’aquarelle, composent tout leur bagage artistique : mais l’histoire sérieuse, les connaissances esthétiques sont pour elles lettre close ; elles ont beaucoup appris par cœur et acquis un certain brillant superficiel : mais elles ne savent rien d’utile, pas même réfléchir.

  1. Cette formule est une heureuse variante du mot célèbre de Napoléon Ier.