Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/639

Cette page n’a pas encore été corrigée
633
reinach. — le nouveau livre de hartmann.

une création, que si l’identité existe dans l’idée seulement, et non dans la réalité.

La raison, chez la femme, est le revers de la médaille. Déjà insuffisante pour ses besoins théoriques, elle ne lui est dans la pratique que d’un bien médiocre secours. Il faut absolument, sauf quelques exceptions, qu’elle s’en rapporte à l’autorité d’un père, d’un frère, d’un époux, d’un directeur de conscience. Incapable de s’élever à une autonomie véritable, elle demeure perpétuellement en tutelle. De là son attachement à la religion en général et, en particulier, aux formes de la religion qui satisfont les aspirations de son cœur et la déchargent, par les oracles précis du confessionnal, du soin de prendre des résolutions personnelles, de penser et d’agir par elle-même.

L’infériorité du sexe féminin éclate dans les applications spéciales de la morale rationnelle. Prenons pour exemple le principe de la vérité. Est-il rien de plus connu que le penchant invétéré des femmes à la duplicité, au mensonge, l’arme des faibles ? Hartmann ne partage pour ce vice ni l’horreur exagérée de Kant, ni l’indulgence extrême de Schopenhauer : il le condamne, parce que la véracité engendre la confiance, et qu’elle est par suite l’une des conditions de la vie sociale. Si néanmoins le mensonge a réussi à s’introduire dans la société, s’il joue un si grand rôle dans les formules de politesse, il faut s’en prendre aux femmes « et à l’influence française. Le sexe a une certaine affinité élective avec le caractère national français, dont il partage la vanité et le penchant à la dissimulation a et à la comédie[1]. » (355).

Mais, de tous les sentiments qui ont leur racine dans la raison, le plus étranger au naturel féminin est celui de la justice. Le sexe faible est le sexe injuste (521). La justice, pour M. de Hartmann, ne consiste, on le sait, que dans le respect de l’ordre établi ; mais ce respect doit être inspiré par le caractère rationnel de cet ordre. Or si la femme respecte la justice, c’est par crainte des lois, ou par une obéissance servile à la coutume, à l’autorité, ou enfin par quelque considération de pitié, de fidélité, etc. ; si elle fait usage de la justice, c’est d’ordinaire par intérêt ou par vengeance. Le droit est une chaîne qu’elle redoute et qu’elle voudrait secouer ; dès que la crainte du danger est écartée, elle se livre sans retenue à l’injustice de son

  1. Il nous semble que M. de Hartmann va un peu loin et que son patriotisme l’aveugle. La politesse obséquieuse est, sans doute, bien faite pour dégoûter, mais il y a dans la politesse en général autre chose que de la fausseté de la bienveillance.

    Des étrangers bons observateurs nous ont déclaré au contraire que, pour eux, le trait distinctif du caractère français est la bienveillance (Kindness).