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reinach. — le nouveau livre de hartmann.

attentats par la menace des peines les plus sévères… Si le socialisme et la religion se combattent aujourd’hui en maint endroit, c’est seulement en tant que la religion dans ses Églises constituées proclame l’ordre politique et social établi comme un ensemble d’institutions sanctionne par la volonté divine et par suite inviolable[1]. Le jour où une Église efface cette affirmation du nombre de ses dogmes, elle cesse d’être hostile au socialisme ; le jour où elle commence à combattre, de son côté, les formes actuelles de l’État et de la société, elle devient une alliée de la démocratie socialiste… Pour assurer la stabilité des formes établies dans l’État socialiste et la durée des illusions sur lesquelles il se fonde, la classe des gouvernants, qui est en même temps la classe éclairée, doit se constituer en une sorte de caste ou d’ordre fermé, et le meilleur moyen de sauvegarder son prestige et son autorité contre les velléités d’insurrection d’en bas est de s’entourer d’un nimbe religieux. Le but auquel tend, consciemment ou non, la démocratie socialiste, n’est donc pas autre chose que l’avènement du jésuitisme : socialistes et jésuites aboutissent aux mêmes conclusions, en partant les uns du principe d’hétéronomie, les autres du principe de l’intérêt général[2]. Quelque différence qui puisse subsister dans la théorie, le résultat pratique est le même. » (643-5.)

L’alliance, ou plutôt l’identité du socialisme radical et du jésuitisme n’est pas seulement une vérité de l’ordre spéculatif : elle a déjà trouvé sa réalisation effective. « Pour quiconque a suivi avec attention la marche des événements, il est manifeste que le jésuitisme a déjà accompli en partie et poursuit encore une transformation grandiose au sein de l’Église catholique. Le jésuitisme s’affranchit des idées féodales et devient démagogique ; il écarte les derniers débris d’une constitution aristocratique de l’Église au profit d’un absolutisme pontifical dirigé par la Compagnie de Jésus ; il laisse tomber l’aristocratie politique, qui, jusqu’à présent, avait été son soutien principal, parce qu’il s’aperçoit que ce n’est plus qu’un tronc moisi dont la sève s’est retirée. À sa place, il s’empare de tous les moyens d’agitation démagogique (presse, système d’associations) qu’il dédaignait autrefois ; il déclare ouvertement la guerre à l’État et mine le respect du vulgaire pour tous les fondements de notre organisation politique et sociale actuelle. Tout ce qui dans l’Église catho-

  1. Voir par exemple la dernière encyclique de S. S. le pape Léon xiii.
  2. Ailleurs Hartmann montre avec finesse que le rôle assigne par Stuart Mill à l’éducation dans la transformation morale des générations futures n’est qu’un emprunt ou une concession au jésuitisme.