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Là ne s’arrêtent pas les effets désastreux du socialisme pour l’industrie. Les travailleurs étant rétribués en proportion de leurs besoins, et non plus de leurs services, les professions supérieures, qui exigent un plus long et plus difficile apprentissage sans être plus lucratives, seront forcément délaissées et se précipiteront vers une ruine irrémédiable. Puis les produits rares et délicats, que des raffinés et des riches seuls pouvaient apprécier et rechercher, cesseront d’être exploités, puisqu’il est impossible d’y faire participer l’universalité des consommateurs ou de leur en donner le goût. La médiocrité générale des fortunes rend encore inutiles les industries de luxe, qui ne s’adressent qu’au petit nombre ; tous les produits manufacturés qui exigent quelque sens artistique soit chez l’ouvrier, soit chez le client, disparaîtront à la longue et l’entente des belles choses avec eux.

Même décadence dans les beaux-arts, et pour les mêmes raisons. Dépourvus de protecteurs opulents ou éclairés, les artistes se décourageront et deviendront de plus en plus rares. La protection des arts incombera à l’État ; mais les lumières nécessaires ne tarderont pas à lui manquer. D’ailleurs à quoi bon détourner du travail industriel, c’est-à-dire utile, une foule de bras qui ne produiront que des œuvres incapables de charmer la foule ? Seules la photographie, la lithographie, l’impression en couleurs et les boîtes à musique, qui dès maintenant satisfont les besoins esthétiques de la petite bourgeoisie, surnageront au milieu du déluge général, et leur niveau artistique suivra l’abaissement du goût.

Les sciences ne seront pas mieux partagées. Si elles ont des résultats plus pratiques que les arts, il leur manque l’attrait sensuel de ces derniers. Puis les connaissances les plus utiles sont précisément les moins scientifiques. Dans la science du langage, l’étude des idiomes modernes est la branche la plus utile, la philologie comparée est la plus scientifique ; dans les sciences naturelles, la chimie et la botanique ont un intérêt pratique, la mécanique de l’atome n’a qu’un intérêt spéculatif ; enfin il serait bien difficile de tirer un avantage positif quelconque de la métaphysique (632). On prévoit sans peine ce que deviendra la science entre les mains des socialistes.

« Ainsi, tous les moments de la production et de la consommation concourront à abaisser le niveau de la culture. L’émulation disparaissant, l’adresse et la force productive des ouvriers diminueront ; le goût déclinant, on verra s’affaiblir le besoin de productions rares dans toutes les branches ; la décadence des sciences et des arts entraînera la ruine de la force fécondante d’une culture intellectuelle supérieure ; enfin, grâce à l’importance excessive attribuée au confort